Les arènes de Lutèce, construites au 2ᵉ siècle, sont un amphithéâtre gallo-romain situé à Paris. Il s'agit d'un complexe hybride, de type « amphithéâtre à scène » ou encore « amphithéâtre-théâtre », comportant à la fois une scène pour les représentations théâtrales et une arène pour les combats de gladiateurs et autres jeux de l'amphithéâtre.
Redécouvertes au 19ᵉ siècle après des siècles d'oubli, elles sont aujourd'hui un lieu public qui accueille parfois sur sa grande scène centrale des représentations théâtrales et des concerts, quand elle n‘est pas le terrain de jeu des footballeurs amateurs ou des joueurs de pétanque. Sur les gradins et les bancs qui l'entourent, on vient s'asseoir pour une pause déjeuner ou y réviser si l'on est étudiant.
Situation et accès
Le site est situé et accessible par les rues Monge, de Navarre et des Arènes.
Les arènes de Lutèce sont desservies par le métro aux stations Place Monge, ligne , et Jussieu, lignes , ainsi que par les lignes de bus RATP 47 67 89.
Elles sont aujourd'hui accessibles à travers l'immeuble du 49, rue Monge, par la rue des Arènes et le square Capitan. Elles sont ouvertes tous les jours de 8 heures 30 à 17 heures pendant l'hiver et 21 heures pendant l'été.
Origine
Ces arènes ont vraisemblablement été construites dans la période du Haut-Empire, c'est-à-dire entre la fin du 1ᵉʳ siècle et le début du 2ᵉ siècle.
Il s'agit d'un monument original, composé d'éléments mélangés de l'Empire romain, de la cauea gallo-romaine par sa structure et grecque par sa forme, à l'arène dissymétrique, semblable à celles d'Afrique romaine, au front de scène calqué sur les édifices micrasiatiques.
Description
Les gradins
Jean Camille Formigé et Jules Formigé pensent que l'édifice pouvait accueillir dans ses gradins, ses vomitoires, ses précinctions et ses escaliers 17 000 spectateurs ; à partir des places des gradins à Nîmes et à Lyon, Camille Jullian calcule ce nombre à précisément 15 944 places.
« Les Arènes, disent MM. Formigé, pouvaient recevoir de 16 à 17.000 personnes et peut-être davantage. Si on calcule la place, sur les gradins, à 0m40 (d'après les places marquées à Nîmes1), on évaluera à 15.944 les places assises.
1. De même à Lyon l'espace réservé d'une place est de 0m39 à 40 (cf. Corpus, XIII, 1667). »
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Les espaces de spectacle
Il serait en Gaule un prototype de théâtre associant dès sa construction une scène à une arène. En effet, d'autres amphithéâtres pouvaient déjà accueillir les deux types de spectacle, comme celui de Cherchell, dans l'actuelle Algérie, érigé dans les années 25 à 15 avant Jésus-Christ, modifié à la fin du 1ᵉʳ siècle par un creusement et un élargissement de l'orchestra sans sacrifier sa première fonction, théâtrale.
La scène
La scène de théâtre, dressée sur le podium, mesure 41,20 mètre de longueur.
L'arène
La piste centrale, de forme elliptique, possède un grand axe de 51,80 mètre et un petit axe de 44,40 mètre.
Géoarchéologie
Contexte topographique
L'édifice est construit sur la montagne Sainte-Geneviève, en rive gauche de la Seine ; ce sont d'ailleurs sur ses flans que la cité antique de Lutèce sera implantée. Cette montagne est une formation de calcaire lutétien culminant à l'angle de la rue de l'Estrapade et de la rue des Fossés-Saint-Jacques.
D'une hauteur d'environ 56 mètre, son sommet est constitué d'un plateau dont la hauteur oscille entre 54,50 mètre et 56 mètre. Il s'étend du creux du Val-de-Grâce au sud, vers les jardins du Luxembourg à l'ouest, et à l'est vers la vallée de la Bièvre et le marais du boulevard Saint-Germain, où se déversaient les eaux de la Bièvre au nord.
Contexte d'occupation durant le Haut-Empire
La colline Sainte-Geneviève est le site d'accueille de l'urbanitas romaine, c'est-à-dire le site d'implantation des édifices politiques, religieux, spectaculaires et judiciaires, liés à l'administration des Parisii et de leur territoire. C'est sur sa pente nord, la plus abrupte, que seront érigés les édifices monumentaux de la cité.</ref>.
Si la plupart des monuments lutéciens sont construits au plus proche du cardo maximus, l'axe principal autour duquel Lutèce sera érigée, on peut affirmer que les arènes sont construites hors de ses murs, ce qu'une absence de niveau et de vestiges entre le monument et les limites de la cité du Haut-Empire confirment. Néanmoins, disposer des arènes en dehors de la ville restait une norme dans les villes de l'Empire. Leur construction, à mi-hauteur de la colline, rend l'ensemble monumental visible d'une bonne partie de la vallée de la Seine et dans la région parisienne.
Historique
Des utilisations multiples
De par sa disposition, il semble que ce monument soit le prototype d'un édifice mixte, servant à la fois d'amphithéâtre et d'arène. À cause de fouilles trop anciennes, à l'absence de stratigraphie et du peu de sources archéologiques, il n'est pas possible de dater avec assurance la durée d'occupation du monument.
Plusieurs hypothèses suggèrent que le site a cessé d'être occupé, voire a commencé à être démantelé, à partir du 3ᵉ siècle, entre 308 et 360, au moment de la construction de l'enceinte du Bas-Empire, sur l'île de la Cité,.
Des sépultures découvertes entre 1870 et 1915 font état de 22 squelettes humains adultes (hommes et femmes) et un de camélidé qu'une absence d'analyses stratigraphiques ne permet pas de dater avec précision. En l'attente d'analyse sur les ossements conservés et leurs moulage, une monnaie de Gratien retrouvée dans un remblai fournit un élément de datation antérieur à son règne, soit la période 375 à 385, montrant un déclassement du site amorcé dès le 4ᵉ siècle.
Plusieurs indices laissés sur le monument permettent de constater qu'il a été remanié à plusieurs époques et sur plusieurs de ses secteurs.
Alfred Fierro affirme que Chilpéric premier, roi des Francs, aurait fait réparer l'édifice en 577 pour pouvoir y donner des spectacles. Guy Le Coz, pour qui cette affirmation est basée sur une lecture allusive de l'Histoire des Francs
« D'un texte de Grégoire de Tours, affirmant que Chilperic avait donné des spectacles de cirque à Soissons et Paris, on a parfois voulu tirer une allusion aux "Arènes de Lutèce", sans pouvoir en apporter la preuve (Félibien, Lobineau 1725 : 17-18). »
suggère d'attendre de découvrir d'avantage d'artefacts mérovingiens sur le site et de pouvoir les contextualier avant de conclure à un réemploi médiéval du lieu dans ses fonctions de spectacle ; il rappelle une seconde allusion infondée, celle d'un cirque possiblement édifié à l'actuel emplacement de l'Institut du monde arabe
« Bien que le mot circus n'ait pas un sens très précis sous la plume de Grégoire de Tours, on a également avancé l'idée que l'allusion pouvait faire référence à un cirque dont on suppose parfois l'existence du côté de l'ancienne Halle à Vins de Paris (Fig. 45, n°5), actuellement l'Institut du monde arabe, là encore sans véritable preuve (Quicherat 1885 : 463-466) »
</ref>. Didier Busson, dans l'Atlas du Paris Antique, admet qu'il est contestable de parler de rénovation mérovingienne.
À sa disparition
Grégoire de Tours ayant seulement affirmé l'édification plutôt que la rénovation de cirques à Paris, c'est au Moyen Âge tardif que deux auteurs rendent véritablement compte de ruines de cirque ou d'arènes dans le quartier Saint-Victor.
Le premier est un poème en latin écrit par Alexandre Neckam. Cet abbé anglais qui a enseigné à Paris à partir de l'année 1180 décrit « des ruines [...] [attestant] l'existence d'un cirque près de la maison de Saint-Victor »,. Le second est un acte de 1284 rapporté par Du Boulay qui parle d'un lieu-dit « les Arènes » devant Saint-Victor.
Les arènes sont alors ensevelies et leur emplacement exact reste ignoré. Le site aura été peu à peu effacé, en particulier par les terres de remblai lors du creusement des fossés de l'enceinte de Philippe Auguste à partir de la fin du 12ᵉ siècle. À l'époque moderne, Adrien de Valois publie un texte en 1675 qui mentionne l'amphithéâtre.
Les fouilles de Vacquer (1870) et Capitan (1915)
Dans le cadre des grands travaux d'aménagement du plan Haussmann, le percement de la rue Monge, entre 1867 et 1868, met au jour à 12 mètre de profondeur les premiers vestiges de la cavea supérieure. Ils seront détruits. Toutefois, le site ne sera véritablement reconnu qu'au moment où la Compagnie générale des omnibus, voulant construire un dépôt de tramway, révèle des éléments du couloir rayonnant, du couloir de service et de la scène.
Après trois mois de « bataille », et malgré l'engouement pour cette découverte, la société de transport est autorisée à raser cette partie de l'édifice présente sur sa parcelle, ce qu'elle finit par faire. Théodore Vacquer évincé, une partie du podium et l'entrée nord sont épargnés et réenfouis. En 1873, la Société centrale des architectes commande le creusement de huit puits de recherche dans la parcelle voisine pour compléter les fouilles.
En 1883, un nouveau projet de percement de rue, au sud, fait mettre au jour la partie mériodionale du site. Des voix s'élevent pour la préservation des vestiges, la Société des amis des Arènes est créée pour défendre le site et sa valeur historique ; ses soutiens comptent Victor Duruy et Victor Hugo, qui s'adresse directement au président du conseil municipal de Paris, dans une lettre du 27 juillet 1883. Vacquer est de nouveau écarté, la ville renonce à percer cette nouvelle rue, fait l'acquisition du terrain et conserve les derniers vestiges mis au jour ; ils sont classés à la liste des monuments historiques depuis 1884.
La création du square
La mise en valeur d'une première partie du site intervient en 1892, sous la direction de l'architecte M. du Seigneur. C'est le square des Arènes.
Pour mettre en valeur la seconde moitié du lieu, celle fouillée en 1870, la ville de Paris rachète à la Compagnie générale des omnibus sa parcelle rue Monge, entre 1915 et 1916. La municipalité met ainsi la main sur la dernière partie des vestiges reconnus, même si les immeubles construits du côté de la rue Monge ne permettent pas de compléter la cavea. Elle confie cette entreprise de « restauration » à Julien Formigé, qui place les vestiges sous la surveillance de Louis Capitan et Charles Magne.
Au début du 20ᵉ siècle, l'essentiel de la superstructure a disparu, les gradins que l'on voit aujourd'hui n'existaient pas encore. Seuls restaient une partie des fondations de la scène, des murs des paliers et des couloirs, ainsi que la base de certaines élévations du mur elliptique et celle des grands couloir latéraux.
Cette restauration a été critiquée parce qu'elle a servi à reconstruire une arène plutôt qu'à consolider les vestiges qui avaient été conservés et qui, bien que visibles, ne sont depuis plus discernables des éléments contemporains créés par Formigé. Les vestiges s'ouvrent depuis sur un square paysagé, baptisé du nom de Louis Capitan.
Wikimedia Commons présente d'autres illustrations sur Arènes de Lutèce.
Période contemporaine
Pendant la première moitié du 20ᵉ siècle, les arènes sont un terrain prisé pour les compétitions de basket-ball, notamment les finales du championnat de France, comme le dimanche 9 mai 1926 pour la victoire du club de Mulhouse sur Tourcoing en présence du président de la République Gaston Doumergue. Le 18 avril 1927, l'équipe de France dispute son premier match officiel dans l'hexagone devant 4 000 spectateurs puis y joue régulièrement jusqu'au 8 mai 1951, les dernières rencontres amateurs étant recensées en 1959.
Dans cette période, le site renoue avec sa fonction spectacle. Une démonstration de corrida y a été recensée, le 24 octobre 1925. Près de cent ans plus tard, le 11 octobre 2022, le torero nîmois El Rafi y réalise une démonstration de toreo de salon.
Les Bretons de Paris y ont organisé, pendant de nombreuses années, l'ébauche de la Fête de la Bretagne, un pardon de la Saint Yves où se rassemblaient environ 2 000 personnes dans les années 1960 et 1970. La procession menée par une « duchesse Anne à cheval » partait des arènes pour aller à Notre-Dame, Saint-Gervais-Saint-Protais ou Saint-Germain-l'Auxerrois.
Des musiciens ont également l'opportunité de pouvoir s'y produire, comme à l'occasion de la Fête de la musique ou lors du festival Les nuits des arènes.
Au quotidien, les arènes sont le terrain de jeu de footballeurs en herbe et des joueurs de pétanque. Elles accueillent quelques fois par an de petits festivals de quartier, des représentations théâtrales et des concerts. Sur les gradins et les bancs qui l'entourent, on vient également s'asseoir pour une pause déjeuner ou y réviser si l'on est étudiant.
Par ailleurs, sur le site des arènes se trouve une « maison des oiseaux » proposant des découvertes pédagogiques ornithologiques pour les plus jeunes et un parcours botanique dans les différentes allées du site. Parmi les spécimens remarquables d'arbres se trouvent deux faux de Verzy — plantés en 1905 et classés arbres remarquables —, un Ilex aquifolium ferox (houx hérisson), un Ulmus minor (orme champêtre) variété « Jacqueline Hillier », un Broussonetia papyfera (mûrier à papier), un Photinia glabra et un Ligustrum lucidum.