Chermizy-Ailles est une commune française située dans le département de l'Aisne, en région Hauts-de-France.
Histoire
Le chanoine Flodoard (894-966), rapporte dans son Historia remensis ecclesiae (Histoire de l'église de Reims) que saint Remi, évêque de Reims de 459 à 533, faisant la visite des paroisses de son diocèse, s'arrêta à Chermizy et y rendit la vue à une aveugle. L'église de Chermizy a pour saint patron Évence.
En l'année 948, les troupes d'Hugues le Grand, duc des Francs, passant dans ce village, s'y portèrent à de grands excès et tuèrent plus de 40 habitants.
Le domaine d'Ailles était placé sous le patronage de St Martin, il appartenait au 9ᵉ siècle à Didon, évêque de Laon, lequel en mourant le donna, en l'année 893, au chapitre de la cathédrale de cette ville qui l'a conservé jusqu'à la Révolution. Ailles ne paraît pas avoir eu de seigneurs laïques, étant toujours resté dans les mains du chapitre de Laon. Cependant nous connaissons un Etienne d'Ailles, en 1156.
L'exploitation des carrières de Chermizy est très ancienne. En 1205, le chapitre de Laon exploita ces pierre calcaire, notamment pour édifier la cathédrale Notre-Dame de Laon. Ces blocs de pierre furent tirés par des bœufs jusqu'à Laon (13 km) et 16 statues réparties sur les tours principales de la cathédrale leur rendent hommage.
Chermizy fut encore le théâtre d'une action sanglante en 1656. Une partie des troupes de Henri-Jules de Bourbon-Condé, prince de Condé, s'étant présentée devant ce village, commença par y mettre le feu, puis attaqua l'église fortifiée, dans lequel les habitants s'étaient réfugiés ; s'en étant emparé, elles se saisirent de 37 d'entre eux pour les conduire à Rocroy. Le reste des habitants exaspérés de voir emmener leurs concitoyens, se ruèrent sur l'ennemi et le mirent en fuite ; mais ayant eu l'imprudence de le poursuivre dans la campagne, ils tombèrent dans une embuscade où ils furent tous tués ou faits prisonniers.
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La bataille de Craonne (1814)
La commune d'Ailles est placée au pied de la montagne où se livra, le 7 mars 1814, la bataille de Craonne, entre les Français et les troupes alliées, conduites par Napoléon contre les armées russes et prussiennes du maréchal Gebhard Leberecht von Blücher (armée de Silésie). Les Français enlevèrent ce village de vive force, et gravissant la montagne sous un feu terrible, parvinrent à couronner le plateau et à en chasser l'ennemi. Une statue de Napoléon se dresse actuellement sur le plateau de Californie en mémoire de cette victoire.
La commune d'Ailles comportait 150 habitants au début du 20ᵉ siècle, comme toutes les communes du canton de Craonne, elle est touchée par l'exode rural et ne compte plus que 120 habitants à la veille de la Première Guerre mondiale (369 pour Chermizy en 1856). La petite commune d'Ailles était alors renommée pour son orme, un arbre remarquable planté en souvenir de la bataille de Craonne du 7 mars 1814 à proximité de l'église Saint-Martin, qui faisait la fierté des villageois. Ailles fut occupé par l'ennemi dès septembre 1914 jusqu'à la fin du mois d'octobre de l'année 1917, un cimetière provisoire est aménagé au nord du village ; les combats, qui en achevèrent la destruction, furent particulièrement violents en avril 1917. Les Français s´en rendent ensuite détenteurs jusqu'au 27 mai 1918. Ailles fut de nouveau investi par les Allemands jusqu'à la mi-octobre 1918. Les ruines d'Ailles redeviennent françaises lors du repli allemand sur l'Ailette, le 2 novembre.
À l'issue de la guerre, par décision ministérielle du 10 juillet 1922, l'État classa 73 % de sa surface en Zone Rouge, soit 342 hectares sur 469. Le territoire, alors exproprié par l'État dès 1922, fut en partie rétrocédé en 1929. Totalement détruit, le village d´Ailles n'est pas reconstruit.
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Première Guerre mondiale (1914-1918)
Chermizy reste en possession des Allemands, tandis que les ruines d'Ailles (dont les habitants ont été évacués dans la région de Fourmies) redeviennent françaises d'avril à mai 1917, puis lors du repli allemand sur l'Ailette, le 2 novembre. L'armée française bombarde les deux villages avant le 16 avril (début de l'offensive Nivelle) puis pendant plusieurs semaines dans le courant de l'été 1917. De nouveaux combats ont lieu en 1918, notamment en septembre lors de la contre-offensive alliée,.
À l'issue de la Première Guerre mondiale, les alentours du Chemin des Dames sont détruits en quasi-totalité ; c'est ainsi que le 9 septembre 1923, la commune de Chermizy absorbe le village voisin d'Ailles entièrement rasé et situé en zone rouge, et devient Chermizy-Ailles. Chermizy-Ailles récupère alors les dommages de guerre de la commune disparue et la reconstruction est confiée à la Société coopérative d'Aizelles, Aubigny, Sainte-Croix, Chermizy et Bouconville, avec l'aide de Monaco et de la Tunisie. Mais les travaux, menés par l'architecte A. Bonnet et l'entreprise Gaston Bernard ne seront pas totalement achevés et quelques projets ne sont pas menés à bien avant la deuxième guerre.
Des projets d'édification d'une chapelle puis d'un calvaire sont abandonnés face aux besoins financiers nécessaires à l'adduction d'eau à Chermizy. Seul un monument édifié par le Touring-Club de France (1932) rappelle l'existence du village d'Ailles ; ce mémorial édifié à l'endroit de l'ancien bourg rappelle cet événement par ces mots « ICI FUT AILLES, détruit en 1914-1918 pendant l'invasion allemande ». Quelques traces de fondations des maisons sont encore visibles dans les champs.
Chermizy et Ailles ont été décorées de la Croix de guerre 1914-1918 le 17 octobre 1920.
Un monument allemand en l'honneur du 159e RI et des victimes des deux camps a été construit en 1915 sur le territoire d'Ailles, au-dessus du cimetière provisoire. Bombardé et laissé à l'abandon, il est très dégradé, toutes les sculptures et inscriptions ayant disparu.
Toponymie
Les première traces du nom Chermizy datent du Moyen Âge avec Kermisi et Kermesium (12ᵉ siècle), utilisant le préfixe breton "kêr" du vieux-breton « caer », d'origine gauloise et apparenté au gallois "caer". Il signifie à l'origine "lieu fortifié", forteresse, château, citadelle » sens qu'il a conservé en gallois. On trouve trace ensuite de Calmisiacus en 1145 , Chermisiacus en 1183.
La présence d'un village à Ailles est attestée dans les textes dès 1224 sous la forme d'« Aquila » (signifiant la petite eau), tirant son nom de la rivière l'Ailette qui le borde non loin de là.
Culture et patrimoine
Lieux et monuments
- La mairie, édifiée en 1925 par l'entreprise J. Hesbert sur les plans de l'architecte A. Bonnet
- Église Saint-Évence, construite par les entrepreneurs Gaston Bernard et J. Hesbert sur les plans de l'architecte A. Bonnet, achevée en 1927 et située sur les hauteurs du village,.
- Nombreuses maisons et fermes datant de la Reconstruction
- Monument aux morts, édifié en 1925 et décoré par le sculpteur Gustave Maily.
- Monument allemand de 1915 en l'honneur de son Cent cinquante-neuvième RI, ainsi que des victimes des deux camps, construit sur le territoire d'Ailles. Bombardé et laissé à l'abandon, il est en très mauvais état et ses sculptures et inscriptions ont disparu,.
- Monument français édifié en 1917 à Ailles à la mémoire du sous-lieutenant du Soixante-dixième (septantième) régiment de tirailleurs sénégalais Louis Astoul, porté disparu près du village de Paissy le 16 avril 1917,.
- Des croix de chemin aux entrées de Chermizy.
- Un circuit de randonnée pédestre.
- Pelouse calcicole (ou savart) de Chermizy-Ailles, héritée des anciennes pâtures de chèvres et moutons, ainsi que de l'exploitation à ciel ouvert des carrières à calcaire depuis l'époque médiévale, gérée depuis 1993 par le Conservatoire d'espaces naturels de Picardie. On y trouve sur huit hectares environ, une flore, comprenant notamment sept espèces d'orchidées et une faune riche, avec une dizaine d'espèces rares et protégées,.
Personnalités liées à la commune
- Amédée Piette, décédé en 1636, maire de Chermizy-Ailles sous l'Ancien Régime. Sa pierre tombale se trouve dans l'église de Chemizy de Chermizy.
- Père Jean-René Courtois, moine jésuite spécialiste de l'archéologie médiévale, qui a dirigé les travaux de fouille et restauration de l'ancienne abbaye de Vauclair, de l'Ordre cistercien de 1966 aux années 2000. Il est chevalier de la Légion d'honneur.