Émile Bernard, né le 28 avril 1868 à Lille et mort le 16 avril 1941 à Paris, est un peintre, graveur et écrivain français.
Artiste postimpressionniste, il est associé à l'école de Pont-Aven. Il a fréquenté Vincent van Gogh, Paul Gauguin, Eugène Boch et plus tard Paul Cézanne.
Ses œuvres les plus radicales ont été réalisées durant sa jeunesse, dans les années 1887-1892 où il participe aux innovations stylistiques de la fin du 19ᵉ siècle : il inaugure le cloisonnisme avec Louis Anquetin et Paul Gauguin. Ses recherches de simplification de la forme le conduisent vers le synthétisme, puis le symbolisme. Il part habiter en Égypte en 1893 où il vit jusqu'en 1904. À partir de 1893, il évolue progressivement vers un retour au classicisme inspiré par les maîtres anciens, comme les primitifs italiens ou plus tard les peintres vénitiens, mais aussi Raphaël, Nicolas Poussin ou Diego Vélasquez.
Son travail littéraire est moins connu, il a écrit de la poésie sous le pseudonyme de Jean Dorsal, et également de la critique d'art.
Biographie
Enfance
Émile Henri Bernard naît à Lille le 28 avril 1868. Il est le fils d'Émile Ernest Bernard, marchand d'étoffes, et d'Héloïse, née Bodin. Sa grand-mère maternelle, Sophie Bodin-Lallement, dirige une blanchisserie. En 1870, la famille fuit à cause de la guerre et s'installe près de Rouen. Sa sœur Madeleine Sophie Héloïse Bernard naît le 14 février 1871. La famille déménage à Paris en 1878, où son père dirige la branche parisienne d'une compagnie textile. Le jeune Émile prend des cours de dessin à l'école des Arts décoratifs. En 1881, il entre au collège de Sainte-Barbe à Fontenay-aux-Roses, où il étudie durant trois ans.
En 1884, par l'intermédiaire du peintre russe, Michail de Wylie (1838-1910), un ami de la famille, il entre à 16 ans dans l'atelier de peinture de Fernand Cormon, où il se lie notamment avec Louis Anquetin et Henri de Toulouse-Lautrec. Les deux peintres l'emmènent au musée du Louvre mais aussi dans les cabarets de Montmartre.
L'École de Pont-Aven
Exclu de l'atelier Cormon en 1886 pour manque de discipline, il quitte Paris pour un voyage à pied en Normandie et en Bretagne. À Concarneau, il rencontre le peintre Émile Schuffenecker qui lui donne une lettre d'introduction à l'attention de Paul Gauguin. Bernard se rend à Pont-Aven, mais il a peu de contacts avec Gauguin.
Pendant l'hiver 1886-1887, il rencontre Vincent van Gogh à Paris. Il traverse alors une période pointilliste. Au printemps 1887, il visite à nouveau la Normandie et la Bretagne, et décore sa chambre à l'auberge de Madame Lemasson à Saint-Briac, où il passe deux mois avant de se rendre à Pont-Aven. Gauguin et Charles Laval sont alors en Martinique. Émile Bernard abandonne le pointillisme pour le cloisonnisme, élaboré avec Louis Anquetin.
En août 1888 a lieu la véritable rencontre avec Gauguin. Bernard est à Pont-Aven avec sa sœur Madeleine, de trois ans sa cadette. Gauguin et Bernard sont alors à un moment charnière de leurs évolutions artistiques respectives, ils se dirigent tous deux vers la synthèse conceptuelle et la synthèse formelle d'où naît le symbolisme de Pont-Aven : le synthétisme se traduit par une suppression de tout ce qui n'est pas mémorisé après la visualisation, les formes sont simples et la gamme de couleur est restreinte.
En juin 1889, a lieu une exposition des peintres du groupe de Pont-Aven, au Café des Arts à Paris, où Emile Bernard présente 25 œuvres, dont deux sous le pseudonyme de « Ludovic Nemo ».
Fin 1889, il perd le soutien financier de sa famille et s'installe chez sa grand-mère, à Lille, où il trouve un emploi de dessinateur chez un fabricant de textile de Roubaix.
De retour à Paris en juillet 1890, il assiste aux obsèques de Vincent van Gogh, avec Théo van Gogh, Paul Gachet, le père Tanguy, Charles Laval, Lucien Pissarro, Marie Auguste Lauzet et d'autres proches.
En février 1891, Bernard se brouille avec Gauguin. La rupture sera définitive, Émile Bernard accuse Gauguin de s'attribuer tous les mérites des inventions du groupe de Pont-Aven. Il participe aux salons de la Rose-Croix qu'Antoine de La Rochefoucauld, son mécène, organise et finance. Il participe également à la Première et Deuxième expositions des Peintres impressionnistes et symbolistes chez Le Barc de Boutteville (1891-1892).
L'orientalisme
En 1893, Antoine de La Rochefoucauld l'aide financièrement à partir en Égypte. Bernard y séjourne dix ans, s'y marie et y produit des tableaux d'inspiration orientaliste. À son retour, en 1904, il rencontre Cézanne à Aix-en-Provence.
Le retour au classicisme
De retour à Paris en 1904, il se dirige vers « un retour à l'art de tradition, à la grande peinture, à l'art classique » qui l'éloigne des expérimentations avant-gardistes de ses débuts. Il reste fidèle à ses amis de toujours, dont le plus proche d'entre eux, Louis Anquetin, pour lequel il réalise un portrait en 1932, quelque temps avant son décès et qu'il lui dédicace : « À Louis Anquetin en témoignage de ma plus profonde admiration. » Sa correspondance des années 1932-1933 énonce également son amitié admirative pour le peintre Auguste Durand-Rosé.
En 1933, à la demande de l'abbé Duparc, Émile Bernard peint dans l'église Saint-Malo de Saint-Malo-de-Phily une série de peintures murales sur le thème de l'histoire de la récupération des reliques de ce saint.
L'homme de lettres
Il publie des poèmes sous le pseudonyme de Jean Dorsal.
Il fonde en mai 1905 une revue avec Théodore Goutchkoff, un jeune Russe résidant à Paris, qui lui propose d'en subventionner la publication pour diffuser ses idées face à ceux qui l'accusent de minimiser le rôle de Paul Gauguin : La Rénovation esthétique dure jusqu'en avril 1910, et est rejointe en mai 1908 par Louis Lormel, ami d'enfance de Bernard,.
Guillaume Apollinaire apprécie ses différents talents dans une lettre publiée en préface à son recueil de poèmes La Lumière mythique.
Il meurt le 16 avril 1941 dans son atelier parisien de l'hôtel Le Charron au 13-15, quai de Bourbon, dans l'île Saint-Louis, qu'il occupait depuis 1926. Il est inhumé au cimetière parisien de Pantin dans la Modèle:43edivision|.
Œuvres dans les collections publiques
Peintures et œuvres sur papier
- Albi, musée Toulouse-Lautrec :
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Portrait de ma sœur Madeleine, 1888 ;
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Pont-Aven, 1890, huile sur toile.
- Amsterdam, musée Van Gogh : Autoportrait, 1888, huile sur toile, dédicacé « à son copaing [sic] Vincent ».
- Avignon, musée Calvet : Portrait de l'écrivain Paul Léautaud, huile sur isorel.
- Brême, Kunsthalle : La Cafetière bleue, 1888, huile sur toile.
- Brest, musée des Beaux-Arts :
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Bord de mer en Bretagne, 1888, huile sur toile marouflé sur contreplaqué ;
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Étude pour l'église de Locronan, 1928, fusain et crayon sur papier, 36,2 × 29,4 centimètre ;
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La Conversation (esquisse de vitrail, Saint-Briac), 1887, aquarelle sur papier, 28,4 × 21 centimètre ;
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La Récolte des pommes, 1887, crayon et aquarelle sur papier, 19,3 × 15 centimètre ;
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Les Remparts, brou de noix sur papier, 29,6 × 23,1 centimètre ;
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Personnage sur fond d'église, encre sur papier, 27 × 21 centimètre ;
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Deux femmes sur la passerelle d'Asnières, 1887, huile sur toile, 38 × 46,5 centimètre ;
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Autoportrait, 1890, huile sur toile ;
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Le Christ en croix (ou la Vierge au pied de la croix), 1926, huile sur isorel, 64 × 47,5 centimètre ;
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Maisons flamandes, brou de noix sur papier, 32,2 × 24,2 centimètre
- Indianapolis, musée d'Art d'Indianapolis :
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Christ jaune, 1889, huile sur toile ;
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Femmes bretonnes devant un mur, 1892, huile sur carton ;
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Bretonnes avec algues, 1892, huile sur toile ;
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Vue du Bois d'Amour Pont-Aven , 1892.
- Lille, palais des Beaux-Arts :
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Autoportrait, 1901, huile sur toile ;
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Les Cueilleuses de poires, 1888, peinture sous verre ;
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Après le bain, les nymphes, 1908, huile sur toile.
- Melbourne, National Gallery of Australia : Bretonnes nourrissant les cochons, 1889, huile sur toile.
- Nantes, musée des Beaux-Arts : Nature morte, 1891, huile sur toile.
- Paris, musée d'Orsay :
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Le Pardon. Les Bretonnes dans la prairie, 1888, huile sur toile ;
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La Moisson, 1888, huile sur panneau ;
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Baigneuses à la vache rouge, 1888, huile sur toile ;
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Madeleine au Bois d'Amour, 1888, huile sur toile ;
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Autoportrait, vers 1889, huile sur toile ;
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Moisson au bord de la mer, Saint-Briac-sur-Mer, 1891, huile sur toile ;
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Les Bretonnes aux ombrelles, 1892, huile sur toile.
- Philadelphie, Philadelphia Museum of Art : Portrait de femme, 1919, huile sur toile.
- Quimper, musée des Beaux-Arts :
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Étude des Bretonnes, La Ronde, 1888, huile sur toile ;
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Le Bois d'Amour, 1888-1893, aquarelle sur papier ;
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Bretonneries, trois femmes étendant du linge, 1888-1889, zincographie en noir sur papier.
- Reims, musée des Beaux-Arts :
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Femmes felhas au bain ;
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Toilette de Vénus.
- Rennes, musée des Beaux-Arts : L'Arbre jaune, 1888, huile sur toile.
- Valenciennes, musée des Beaux-Arts : Nus dans un paysage, 1890, huile sur toile.
Sculpture
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Le Paradis Perdu, 1888, meuble bas en pin et chêne sculpté par Paul Gauguin et Émile Bernard, ouvrant à deux portes, signé en bas et au centre et daté, 100 × 119 × 60 centimètre, localisation inconnue.
- Bas-relief non daté pour décorer un meuble destiné à Ernest de Chamaillard. Gauguin de son côté en fera un également pour le même meuble.
- Le J. Paul Getty Museum de Los Angeles conserve une sculpture réalisée par Émile Bernard et Gauguin.
- Une autre sculpture de Gauguin et de Bernard est répertoriée en 1989 dans la collection Samuel Josefowitz à Lausanne. Localisation actuelle inconnue.
Tapisserie
- : Femme dans une prairie, vers 1925, écran en tapisserie d'Aubusson, tissage en basse lisse par l'atelier de l'école nationale d'art décoratif d'Aubusson, monture par l'ébéniste Léon Jallot (1874-1967), pour l'Exposition internationale des Arts décoratifs de 1925 à Paris.
Peinture murale
- Saint-Briac, rue Croix-des-Marins : L'Adoration des Bergers, La Circoncision, L'Évangile ouvert. Émile Bernard s'installe en 1888 au Premier étage de l'auberge de Madame Lemasson pour y réaliser ces peintures murales. En 1889, il y peint deux fenêtres à la manière de vitraux. Plus tard, ce commerce est devenue une épicerie et ces œuvres ont disparu,.
- Saint-Malo-de-Phily, peintures murales de l'église, 1933 :
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Rociantour et les envoyés d'Aleth implorant Childebert pour le corps de saint Malo ;
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Épreuve proposée par le roi avec la tête et la main de saint Malo se séparant de son corps ;
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Félix habitant de la paroisse est guéri par les reliques du saint.
- Villeneuve-lès-Avignon, abbaye Saint-André : cycle de trois peintures représentant l'Annonciation avec deux scènes d'anges musiciens exécuté en 1914 dans la propriété de son ami le peintre Louis Yperman, restaurateur des fresques du Palais des papes.
Estampes
Dans ses collections Jacques Doucet, la bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art conserve plus de 80 estampes, principalement des lithographies de sujets religieux ou des scènes de genre, ainsi que des gravures sur bois. Le musée d'Art d'Indianapolis possède de Bernard des zincographies, un procédé proche de la lithographie.
- Pierre de Ronsard, Les amours, suite de 16 eaux-fortes en sépia, Ambroise Vollard éditeur, 1915.
Le musée des Beaux-Arts de Brest conserve deux estampes :
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Judith et Holopherne, 1893, gravure à la manière noire, 34,7 × 25 centimètre ;
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La Crucifixion, 1895, gravure sur bois, 35,1 × 14,9 centimètre.
Publications
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Propos sur l'art, 2 tomes, (ISBN 2-84049-031-5).
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L'Esclave nue, suivi de La Danseuse persane, roman.
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Le Parnasse oriental. Le Caire, Beth el Baabri, impr. de E. Messina, 1903. Revue éphémère créée en 1902.
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Le Voyage de l'être, poèmes d'évolution. Susurrements, Cœur nu, Sentimentalités solitaires, Sensualismes, Malaises cordiaux, Foi, Extases et luttes, suivi de Paysages et du Livre d'hommages, Le Caire, Impr. Moussa Roditi, 1898 (Poésies 1886-1898).
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La Méthode de Paul Cézanne. Exposé critique , Mercure de France, CXXXVIII, premier mars 1920, page(s) 289-318.
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Une conversation avec Cézanne, Mercure de France, CXLVIII, premier juin 1921, page(s) 372-397.
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Souvenirs sur Paul Cézanne. Une conversation avec Cézanne, la méthode de Cézanne, Paris, Chez Michel, 1925.
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La Lumière mythique, Jean Dorsal, Paris, Éditions de la Rénovation Esthétique, 1933.
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Le Sablier, suivi de Les Regrets, Jean Dorsal, Paris, Éditions de la Rénovation Esthétique, 1933.
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Les Lettres d'un artiste (1884-1941), Dijon, Les Presses du réel, 2012 (ISBN 978-2-84066-498-7).
Expositions
- Exposition internationale des Arts décoratifs de 1925 à Paris : Femme dans une prairie, écran en tapisserie d'Aubusson.
- Exposition « Émile Bernard », Kunsthalle de Brême, du 5 février au 2 avril 1967 (en coopération avec le palais des Beaux-Arts de Lille).
- « Époque de Pont-Aven », exposition Émile Bernard, Paris, du 21 mai au 17 juillet 2010, à la galerie Malingue, 26, avenue Matignon, 75008 Paris.
- Exposition collective au musée des Beaux-Arts de Quimper, regroupant 29 œuvres dont 9 d'Émile Bernard, printemps 2009.
- Exposition « Frictions of Ideas: Van Gogh, Gauguin, Bernard » Ordrupgaard, Copenhague (printemps 2014) et musée des Beaux-Arts de Göteborg, Suède (été 2014).
- Exposition « Émile Bernard (1868-1941) », musée de l'Orangerie, Paris, du 16 septembre 2014 au 5 janvier 2015.
- Exposition « Émile Bernard. Au cœur de l'art moderne », Kunsthalle de Brême, du 7 février au 31 mai 2015 (en coopération avec les musées d'Orsay et de l'Orangerie).
- Exposition « Émile Bernard. De Van Gogh à Gauguin », Centre Cristel Éditeur d'Art, Saint-Malo, du 17 avril au 9 mai 2015.
- Exposition « Émile Bernard, héraut de la peinture moderne », Presbytère, Saint-Briac, à l'occasion de la Vingtième édition du Festival d'Art de Saint-Briac, du 3 juillet au 6 septembre 2015.
Filmographie
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Émile Bernard parti de Saint-Briac, film documentaire de Christophe Penot, Cristel Éditeur d'Art, 2015.
Iconographie
- Henri de Toulouse-Lautrec, Portrait d'Émile Bernard, 1886, Londres, National Gallery.
- Paul Gauguin, Autoportrait avec le portrait de Bernard, 1888, Amsterdam, musée Van Gogh.
- Émile Bernard, Autoportrait avec le portrait de Paul Gauguin, 1888, Amsterdam, musée Van Gogh.
- Émile Bernard, Portrait de l'artiste, 1890, huile sur toile, 55,5 × 46 centimètre, musée des Beaux-Arts de Brest,.
- Émile Bernard, Autoportrait, 1901, palais des Beaux-Arts de Lille.
Marché de l'art
Les œuvres d'Émile Bernard sont cotées de manière inégale sur le marché de l'art, en fonction de ses époques. Son record mondial aux enchères est atteint avec Le Salon, huile sur toile de 89 × 116 centimètre peinte vers 1890-1892, vendue 1 322 500 euros le 24 avril 2017 chez Christie's à Paris.
Hommages
En Bretagne, au moins cinq rues portent son nom. En France, de nombreuses rues portent également son nom.