Lurais est une commune française située dans le département de l'Indre, en région Centre-Val de Loire.
Histoire
Antiquité
Du passé lointain du village avant l'an mil, on ignore à peu près tout. Le choix du site par les premiers habitants tient sans doute moins à la proximité de la rivière qu'à la forte saillie de la falaise calcaire, qui ménage des anfractuosités propices à un habitat troglodyte ou semi-troglodyte : aujourd'hui encore, plusieurs maisons du village sont adossées à la falaise ou s'y prolongent par des caves ou par des granges. Des habitats troglodytes sont attestés dans la région – plus au sud, c'est l'origine de l'ermitage du moine Gombault, ancêtre éponyme de l'abbaye de Fontgombault, plus au nord on retrouve ces dispositions dans la région de La Roche-Posay ou dans celle de Beauval.
Sur cette rive gauche de la Creuse, Lurais n'aurait pu être situé plus bas, car la falaise s'abaisse et le fond de vallée se fait plus étroit jusqu'à Tournon-Saint-Martin ; il n'aurait pu être situé plus haut, car tantôt, là aussi, la falaise s'abaisse exagérément, tantôt au contraire elle s'élève et surplombe directement la rivière sans laisser de place à un habitat humain. Dans cette portion de la vallée de la Creuse, le site de Lurais présentait seul la conjonction de plusieurs caractères favorables : un terroir assez étendu entre la rivière et le plateau, une falaise offrant des abris sinon pour les hommes du moins pour leurs biens, un passage guéable entre les deux rives de la Creuse.
De ces hautes époques, il est resté peu de traces à Lurais, sinon des traditions et des superstitions issues du paganisme, qui ont subsisté jusqu'au 19ᵉ siècle. Une légende locale prétend ainsi que les fées de la vallée de la Creuse – les fata des Gallo-Romains – ont quitté la vallée après que l'Évangile de saint Jean est apparu à Tournon-Saint-Martin et se sont réfugiées dans la Brenne, ultime refuge de l'ancienne religion.
Moyen Age
L'époque du Haut Moyen Âge n'est pas mieux connue. L'occupation humaine du terroir ne fait pas de doute : les falaises surplombant l'Anglin abritaient notamment des carrières servant à la fabrication des sarcophages.
L'église de Lurais a longtemps été consacrée à sainte Fercinte, une vierge qui se serait fixée à Lurais au 8ᵉ siècle pour y mener une vie solitaire et qui par la suite fut confondue avec sainte Fercinte de Tolède. Sa fête était célébrée à Lurais le 13 novembre. Le pèlerinage en l'honneur de la sainte, qui recouvrait des pratiques profanes, fut interdit par l'évêque de Poitiers en 1780. Il est possible que sainte Fercinte soit le rhabillage chrétien, à haute époque, d'une déesse-mère du panthéon celtique.
Lurais apparaît dans l'histoire en 936 quand Frottier, évêque de Poitiers, fit don aux moines de Saint-Cyprien de Poitiers d'un fief situé « in Pictavorum pago, in villa que dicitur Ludriacus et in villa qui ad illam pertinet (…) super fluvium Crosa » (en Poitou, dans la villa nommé Lurais et dans la villa voisine (…) sur la Creuse ». La ville la plus proche, Le Blanc, n'est citée dans les textes que trente ans plus tard, en 968, toujours pour une donation faite à Saint Cyprien, qui précise que la cité se trouve en Berry (in pago Bituricensi) et dans la viguerie du Blanc (in vicaria Obliacinse). Lurais se trouvait donc à la limite de deux provinces, à la rencontre des sphères d'influence de deux autorités spirituelles (celle de l'archevêque de Bourges et celle de l'évêque de Poitiers) et de deux autorités politiques (le seigneur de Châteauroux et le comte de Poitiers).
Aux 11ᵉ et 12ᵉ siècles, le fief luraisien de Saint Cyprien semble s'être accru grâce à de nouvelles donations, mais l'abbaye n'avait pas encore installé de prieuré dans le village. En 1100, un moine de Saint-Cyprien résidait à Lurais et desservait l'église. La première mention d'un prieuré apparaît un siècle plus tard, en 1217, à l'occasion d'un différend entre le prieur de Lurais et l'abbé de Fontgombault, différend arbitré par l'abbé de Sainte-Croix d'Angles-sur-l'Anglin. En 1248, il est fait mention d'un autre prieur de Lurais, Jean, également archiprêtre du Blanc. Au 13ᵉ siècle, le fief luraisien de Saint Cyprien relevait de la baronnie d'Angles-sur-l'Anglin, dont les évêques de Poitiers étaient titulaires depuis 1282. Une sentence de l'officialité de Poitiers datée de 1367 confirma le droit de haute justice à Lurais aux évêques de Poitiers, laissant le droit de basse justice aux abbés de Saint Cyprien.
Durant les deux guerres de Cent Ans qui opposèrent le roi de France et le roi d'Angleterre au 12ᵉ siècle puis aux 14ᵉ siècle et 15ᵉ siècle, la région de Lurais se trouva en position frontalière entre un Poitou relevant du roi d'Angleterre et un Berry relevant du roi de France. C'est de la seconde guerre de Cent Ans que l'on peut dater les tours du prieuré de Lurais et le château voisin du Soudun, situé sur la commune de Néons-sur-Creuse. Le prieuré et le village semblent avoir connu une période de prospérité à la fin du Moyen Âge : c'est de cette époque que datent le double cloître superposé du prieuré, plusieurs agrandissements de l'église et notamment un beau portail surmonté des armes d'un abbé de Saint-Cyprien, Antoine de Champropin (1507).
Epoque moderne
Au 16ᵉ siècle eurent lieu les dernières opérations militaires ayant eu la vallée de la Creuse pour théâtre : pendant les Guerres de religion, catholiques et protestants se disputèrent le Bas-Berry ; en 1569, l'armée royale campa autour du Blanc, l'armée protestante à Preuilly-la-Ville. Les réformés brûlèrent plusieurs églises et abbayes du voisinage, notamment Fontgombault. Les troubles durèrent jusqu'en 1593.
Le prieuré de Lurais disparut au début du 17ᵉ siècle, mais l'abbaye de Saint-Cyprien conserva une partie de ses biens et de son influence sur le village jusqu'à la Révolution. Le prieuré devint une seigneurie affermée par l'abbé de Saint-Cyprien ; les bâtiments du prieuré proprement dits furent désormais désignés sous le nom de « château de Lurais », qui leur est resté jusqu'à présent, et servirent au stockage des récoltes ; jusqu'en 1789, le curé de Lurais fut nommé sur présentation de l'abbé de Saint-Cyprien. A la veille de la Révolution, l'abbaye de Saint-Cyprien possédait encore 25 hectares de la paroisse de Lurais (le château, le moulin, la métairie de la Grange Neuve et diverses terres). La puissance des seigneuries ecclésiastiques était cependant en recul : en 1715, Mathieu Pinsonneau, marquis du Blanc, déclarait posséder ainsi plusieurs rentes et droits sur le prieuré de Lurais.
Les familles nobles de Lurais et de ses environs sont moins bien connues que les seigneuries ecclésiastiques qui y exerçaient leur influence. La noblesse locale avait des attaches en Berry, comme en Poitou, voire en Touraine et en Limousin. En 1736, un sieur de Landeterre, gentilhomme de Lurais, était accusé de faux-saunage aux environs d'Ingrandes. Les Le Picard de Phélypeaux, originaires de Blois mais appartenant à la noblesse du Poitou, possédaient des fiefs à Lurais. Jean-René Le Picard de Phélippeaux était propriétaire du château de la Comté et son domaine. Son cousin Louis Edmond Le Picard de Phélippeaux les métairies de la Brunetterie (16 hectares) et de la Périnerie (35 hectares).
À la veille de la Révolution, sur le plan administratif et fiscal, Lurais appartenait au gouvernement de Poitou, à la généralité de Bourges, à l'élection et à la subdélégation du Blanc. Sur le plan judiciaire, le village relevait de la coutume de Poitou, du présidial de Poitiers et du Parlement de Paris. Sur le plan ecclésiastique, la paroisse dépendait de l'archiprêtré d'Angles et du diocèse de Poitiers.
Révolution et Empire
En 1790, lors de la formation des départements, cinq paroisses de l'ancien diocèse de Bourges furent données au département de la Creuse. En compensation, l'Indre reçut sept paroisses de l'ancien diocèse de Poitiers : Lurais, Mérigny, Ingrandes, Saint-Hilaire-sur-Benaize, Jauvard, Tilly et Bonneuil. Lurais prit place dans le canton de Tournon-Saint-Martin et le district du Blanc. Comme aujourd'hui, le canton de Tournon-Saint-Martin se composait alors des communes de Fontgombault, Lurais, Néons-sur-Creuse, Preuilly-la-Ville et Tournon-Saint-Martin.
Comme dans le reste de la France, la Révolution entraîna de fortes modifications de la structure sociale et foncière de Lurais, les propriétés ecclésiastiques et celles des émigrés étant vendues comme biens nationaux. Parmi les biens ecclésiastiques, on comptait quatre biens relevant de la cure de Notre-Dame de Lurais, le prieuré relevant de Saint-Cyprien de Poitiers et une autre propriété ayant appartenu à cette abbaye. Les biens nationaux « de seconde origine » consistaient en onze propriétés ayant appartenu à Jean-René Le Picard de Phélippeaux, émigré, et à Louis-Edmond Le Picard de Phélippeaux (1767-1799), capitaine émigré en 1791, qui servit dans l'armée des princes puis rentra en France, pour soulever le Berry. Les biens meubles de Jean-René furent vendus aux enchères le 6 octobre 1793 et son épouse, considérée comme suspecte, fut emprisonnée le mois suivant à Châteauroux.
Le château de la Comté fut vendu à François Jallet, d'Angles, le domaine de la Brunetterie à François Turlin, de Tournon, le domaine de la Périnerie, à Fraçois Fillain, de Lurais, le presbytère à François Vézien Delassale, de Tournon. Le curé Etienne Mériot acquit le prieuré, mais le revendit en 1798 et quitta la commune. Les propriétaires laïcs évincés furent indemnisés en application de la loi de 1825, dite du "milliard des émigrés" : les héritiers de Jean-René Le Picard de Phélippeaux reçurent alors 16708 francs pour le domaine de la Comté et ceux de Louis-Edmond 9542 francs pour les domaines de la Périnerie et de la Brunetterie.
Neuf soldats nés à Lurais décédèrent sous les drapeaux entre 1789 et 1815, tous de maladie sauf un, Louis Mériot, mort en combattant les Vendéens en 1794.
En 1812, l'administration préfectorale de l'Indre, appuyée par le ministère des Finances, présenta un projet de réunion de la commune de Lurais à celle de Néons, pour former une seule commune sous le nom de Néons-sur-Creuse. Ce projet recueillit l'accord du conseil municipal de Néons, mais suscita l'opposition des représentants de Lurais. Au vu des plans dressés par le géomètre délimitateur, le ministre de l'Intérieur prit parti contre le ministre des Finances et proposa au contraire de réunir à Lurais, la partie méridionale du territoire de Néons, qui se trouvait séparée du chef-lieu de cette commune par les territoires d'Angles et de Lurais.
En définitive, le 22 mars 1813, un décret impérial, donné à Trianon et pris sur le rapport du ministre de l'Intérieur, réunit à Lurais la section sud de la commune de Néons. La commune de Lurais s'étendit désormais jusqu'à la rive droite de l'Anglin, depuis le hameau de Rives jusqu'au château de Montenaut, et s'accrut du hameau de Fournioux et des fermes ou lieux-dits suivants : les Martinières, le Bas Coreil, la Brisetière, Baiseborde, les Gerbaudières, les Prunières et la Riguelière, soit 690 hectares. Du fait de cette réunion, le territoire de la commune était doublé et sa population augmentée d'un tiers.
Période contemporaine
La Restauration entraîna une épuration de la municipalité. Le 29 juin 1816, le préfet de l'Indre démit Jean Deslandes de ses fonctions de maire et le remplaça le 12 juillet suivant par Joseph Martin, de Jartraux, membre du conseil municipal de Tournon.
Au 19ᵉ siècle, Lurais connut un accroissement lent mais continu de sa prospérité. L'habitat se transforma : dans les maisons, des grands pavés de pierre remplacèrent la terre battue, des fenêtres plus larges percèrent les murs. Un pont fut établi sur la Creuse en conséquence d'un décret de 1846. Ouvert au public le 1er janvier 1850, ce pont suspendu, dit "en fil de fer", ouvrage des frères Seguin, mesurait 87 mètres de long. Il remplaçait un bac existant au moins depuis le XVIIIe siècle et dont le l'emplacement était situé à 200 mètres en aval du pont actuel. Il céda la place à un nouvel ouvrage en 1893. Ayant sauté en 1944, ce dernier fut reconstruit après la guerre. Le chemin de fer arriva même à Lurais à la fin du siècle ; il fonctionna jusqu'aux années 1930.
La commune fut rattachée de 1973 à 2015 au canton de Tournon-Saint-Martin.
Toponymie
La toponymie de Lurais et des environs indique une occupation fort ancienne. Tournon (Turnonum), Néons (Noviodunum), Le Blanc (Oblinco) sont celtiques ou pré-celtiques. Les villes doubles de Tournon-Saint-Martin (en Berry) et Tournon-Saint-Pierre (en Touraine) sont sans doute les héritières de deux localités frontalières, l'une consacrée à Lug (Saint Pierre) et l'autre à Cernunnos (Saint Martin). Dès l'Antiquité, la région semble avoir été située aux confins des territoires de trois grands peuples gaulois : les Turons (Tourangeaux), les Pictaves (Poitevins) et les Bituriges (Berrichons).
Le nom de Lurais (Luriacum ou Ludriacum) appartient lui à l'époque gallo-romaine : comme d'autres noms de villages voisins, il évoque le nom d'un grand propriétaire nommé Lurius ou Ludrius, dont la villa ou une des villas a pu être située à l'emplacement du village actuel.
Ses habitants sont appelés les Luraisiens.
Culture locale et patrimoine
Lurais est riche de morceaux d'architecture. Le plus célèbre est l'église Saint-Jean du 12ᵉ siècle, classée monument historique depuis 1987, dont la nef et le clocher sont romans et les bas-côtés gothiques. À côté de l'église, l'ancien prieuré relevant de Saint-Cyprien de Poitiers possède des tours curieusement coiffées de toitures pentues, que l'on peut observer sous différents aspects depuis la place du village ou depuis la rivière. De l'autre côté du village, le château de la Comté et l'ancien moulin qui lui fait face.
Dans le bourg proprement dit, depuis la rivière jusqu'au haut Bourg, on remarque des maisons de caractère : vieilles granges, vieux fours, maisons paysannes remontant au Moyen Âge et sans cesse transformées, agrandies et embellies depuis, maisons de maître ou de villégiature du 19ᵉ siècle, pour finir avec l'ensemble mairie-école, construite entre 1934 et 1936, exemple de l'architecture publique de l'entre-deux-guerres.
- Château de Montenault
- Château du Soudun
- Prieuré
- Pont Métallique (19ᵉ siècle)
- Monument aux morts
- Moulin à eau
- Cavités souterraines naturelles « Puits de Rives et Grotte de Montenault n° 1 »
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Héraldique, logotype et devise
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Logotype de la commune de Lurais :
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