Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, est un comédien et dramaturge français, baptisé le 15 janvier 1622 à Paris, où il est mort après avoir joué sur scène la quatrième représentation de sa pièce Le malade imaginaire, le 17 février 1673. Issu d'une famille de marchands parisiens, il... Lire la suite
Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, est un comédien et dramaturge français, baptisé le 15 janvier 1622 à Paris, où il est mort après avoir joué sur scène la quatrième représentation de sa pièce Le malade imaginaire, le 17 février 1673.
Issu d'une famille de marchands parisiens, il s'associe à 21 ans avec une dizaine de camarades, dont la future comédienne vedette Madeleine Béjart, pour former la troupe de l'Illustre Théâtre qui, malgré la collaboration de dramaturges de renom, ne parvient pas à s'imposer à Paris. Engagés à Pâques 1646 dans la plus prestigieuse des « troupes de campagne », patronnée par le duc d'Épernon, gouverneur de la Guyenne, Molière et ses amis Béjart vont parcourir durant douze ans (1646-1658) les provinces méridionales du royaume au sein d'une troupe itinérante entretenue par plusieurs protecteurs successifs. Au cours de cette période, Molière compose quelques farces ou petites comédies et ses deux premières grandes comédies. De retour à Paris en 1658, il devient vite, à la tête de sa troupe, le comédien et auteur favori du jeune Louis 14 et de sa cour, pour lesquels il conçoit de nombreux spectacles, en collaboration avec les meilleurs architectes scéniques, chorégraphes et musiciens du temps. Il meurt à l'âge de 51 ans, quelques heures après avoir tenu pour la quatrième fois le rôle-titre du Malade imaginaire.
Grand créateur de formes dramatiques, interprète du rôle principal de la plupart de ses pièces, Molière a exploité les diverses ressources du comique — verbal, gestuel et visuel, de situation — et pratiqué tous les genres de comédie, de la farce à la comédie de caractère. Il a créé des personnages individualisés, à la psychologie complexe, qui sont rapidement devenus des archétypes. Observateur lucide et pénétrant, il peint les mœurs et les comportements de ses contemporains, n'épargnant guère que les ecclésiastiques et les hauts dignitaires de la monarchie, pour le plus grand plaisir de son public, tant à la cour qu'à la ville. Loin de se limiter à des divertissements anodins, ses grandes comédies remettent en cause des principes d'organisation sociale bien établis, suscitant de retentissantes polémiques et l'hostilité durable des milieux dévots.
L'œuvre de Molière, une trentaine de comédies en vers ou en prose, accompagnées ou non d'entrées de ballet et de musique, constitue un des piliers de l'enseignement littéraire en France. Elle continue de remporter un vif succès en France et dans le monde entier, et reste l'une des références de la littérature universelle,.
Sa vie mouvementée et sa forte personnalité ont inspiré dramaturges et cinéastes. Signe de la place emblématique qu'il occupe dans la culture française et francophone, le français est couramment désigné par la périphrase « la langue de Molière », de même que l'allemand est « la langue de Goethe », l'anglais « la langue de Shakespeare », l'espagnol « la langue de Cervantès » et l'italien « la langue de Dante », le catalan « la langue de Lull », l'occitan « la langue de Mistral.
Biographie
La jeunesse de Molière
Famille
Fils de Jean Poquelin (1595-1669) et de Marie Cressé (1601-1632), Jean-Baptiste Poquelin est né dans les premiers jours de 1622, ce qui fait de lui, à quelques années près, le contemporain de Cyrano de Bergerac, de Furetière, de Tallemant des Réaux, de Colbert, de D'Artagnan, de Ninon de Lenclos, de La Fontaine, du Grand Condé et de Pascal. Le 15 janvier, il est tenu sur les fonts baptismaux de l'église Saint-Eustache par son grand-père Jean Poquelin († 1626) et Denise Lecacheux, son arrière-grand-mère maternelle.
Les Poquelin de Paris, nombreux à l'époque, sont originaires de Beauvais et du Beauvaisis,. Les parents du futur Molière habitent, dans le quartier très populeux des Halles, la maison dite du « Pavillon des singes », à l'angle oriental de la rue des Vieilles-Étuves (actuelle rue Sauval) et de la rue Saint-Honoré, où son père, Jean, marchand tapissier, a installé son fonds de commerce deux ans plus tôt, avant d'épouser Marie Cressé. Les fenêtres donnent sur la placette dite carrefour de la Croix-du-Trahoir, qui depuis le haut Moyen Âge est l'un des principaux lieux patibulaires de la capitale.
Les deux grands-pères de Jean-Baptiste tiennent eux aussi commerce de meubles et de tapisseries, à quelques pas de là, dans la rue de la Lingerie. Poquelin et Cressé sont des bourgeois cossus, comme en témoignent les inventaires après décès. Du côté maternel, un de ses oncles, Michel Mazuel (de), collabore à la musique des ballets de cour et est nommé en 1654 compositeur de la musique des Vingt-Quatre Violons du Roi. Il jouera d'ailleurs les comédies ballets de son neveu.
En 1631, Jean Poquelin père rachète à son frère cadet, Nicolas, un office de « tapissier ordinaire de la maison du roi », dont cinq ans plus tard il obtiendra la survivance pour son fils aîné. La même année, il perd sa femme, sans doute épuisée par six grossesses survenues entre janvier 1622 et mai 1628, et se remarie avec Catherine Fleurette, qui meurt à son tour en 1636, après lui avoir donné trois autres enfants.
Études
Sur les études du futur Molière, il n'existe aucun document fiable. Les témoignages sont tardifs et contradictoires. Selon les auteurs de la préface des Œuvres de Monsieur de Molière (1682), le jeune Poquelin aurait fait ses humanités et sa philosophie au prestigieux collège jésuite de Clermont (l'actuel lycée Louis-le-Grand), où il aurait eu « l'avantage de suivre feu M. le prince de Conti dans toutes ses classes ». Dans sa Vie de M. de Molière publiée en 1705, Grimarest lui donne pour condisciples deux personnages qui seront plus tard ses amis avérés, le philosophe, médecin et voyageur François Bernier et le poète libertin Chapelle. Ce dernier avait pour précepteur occasionnel Pierre Gassendi, redécouvreur d'Épicure et du matérialisme antique, lequel, écrit Grimarest, « ayant remarqué dans Molière toute la docilité et toute la pénétration nécessaires pour prendre les connaissances de la philosophie », l'aurait admis à ses leçons avec Chapelle, Bernier et Cyrano de Bergerac. Toutefois, la présence même de Jean-Baptiste Poquelin au collège de Clermont est sujette à caution. Ainsi François Rey fait-il remarquer que « ni l'un ni l'autre des deux jésuites, René Rapin et Dominique Bouhours, qui ont fait l'éloge de Molière après sa mort, n'a suggéré qu'il aurait eu la même formation qu'eux. Le premier, en particulier, qui était son exact contemporain et se disait son ami, avait été pendant plusieurs années professeur au collège de Clermont ». Certains, notant que « son théâtre est le fruit d'une lente maturation, non de l'application respectueuse de règles apprises au collège par l'étude des modèles classiques », en viennent à douter même que Molière ait fait des études régulières, sans toutefois exclure la possibilité qu'il ait été l'élève de Gassendi entre 1641 et 1643.
À sa sortie du collège, s'il faut en croire un contemporain, le jeune homme serait devenu avocat. Les avis sur ce point sont partagés, mais, quoi qu'il en soit, Molière ne s'est jamais paré du titre d'avocat et son nom ne figure ni dans les registres de l'université d'Orléans où il était possible d'étudier mais aussi d'acheter sa licence de droit, ni dans ceux du barreau de Paris. Toujours est-il que « de nombreux passages de ses comédies supposent de sa part une connaissance précise des règlements et des procédures de justice ».
Des débuts difficiles
Première carrière parisienne : l'Illustre Théâtre
Au tournant de l'année 1643, Jean-Baptiste Poquelin, d'ores et déjà émancipé d'âge et qui a renoncé à la survivance de la charge de son père, reçoit de celui-ci un important acompte sur l'héritage maternel. Il a quitté la maison de la rue Saint-Honoré et demeure à présent rue de Thorigny, dans le quartier du Marais, non loin des Béjart.
Le 30 juin, par-devant notaire, il s'associe avec neuf camarades, dont les trois aînés de la fratrie Béjart (Joseph, Madeleine et Geneviève), pour constituer une troupe de comédiens sous le nom de l'Illustre Théâtre. Ce sera la troisième troupe permanente à Paris, avec celle des « grands comédiens » de l'hôtel de Bourgogne et celle des « petits comédiens » du Marais.
Tout, à commencer par les termes mêmes du contrat d'association, suggère que le jeune Poquelin s'est engagé dans le théâtre pour y tenir les rôles de héros tragiques aux côtés de Madeleine Béjart, de quatre ans son aînée.
À la mi-septembre, les nouveaux comédiens louent le jeu de paume dit des Métayers sur la rive gauche de la Seine, au faubourg Saint-Germain. En attendant la fin des travaux d'aménagement de la salle, ils se rendent à Rouen, afin de s'y produire pendant la foire Saint-Romain, qui se tient du 23 octobre au 12 novembre. Rouen est la ville où réside alors Pierre Corneille, mais aucun document ne permet d'affirmer, comme le font les épigones de Pierre Louÿs, que Molière a mis à profit ce séjour pour nouer des relations avec l'auteur du Cid et du Menteur.
La salle des Métayers ouvre ses portes le premier janvier 1644. Pendant les huit premiers mois de représentations, le succès de la nouvelle troupe est d'autant plus grand que, le jeu de paume du Marais ayant brûlé le 15 janvier, ses locataires ont dû partir jouer en province pendant sa reconstruction.
En octobre 1644, le théâtre du Marais, refait à neuf et doté d'une salle équipée à présent de « machines », accueille de nouveau le public, et il semble que la salle des Métayers commence alors à se vider. Cela pourrait expliquer la décision, prise en décembre, de déménager sur la rive droite au jeu de paume de la Croix-Noire (actuel 32, quai des Célestins), plus près des autres théâtres. Molière est seul à signer le désistement du bail, ce qui pourrait indiquer qu'il est devenu le chef de la troupe. Cependant, ce déménagement vient accroître les dettes de la troupe — les investissements initiaux de location et d'aménagement du local, puis d'aménagement d'un nouveau local, ont été coûteux et les engagements financiers pèsent lourd par rapport aux recettes — et, dès le premier avril 1645, les créanciers entament des poursuites.
Au début du mois d'août, Molière est emprisonné pour dettes au Châtelet, mais peut se tirer d'affaire grâce à l'aide de son père. À l'automne, il quitte Paris.
Nom de scène « Moliere »
C'est au cours du premier semestre de 1644 que Jean-Baptiste Poquelin prend pour la première fois ce qui deviendra son nom de scène puis d'auteur. Le 28 juin, il signe « De Moliere » (sans accent) un document notarié dans lequel il est désigné sous le nom de « Jean-Baptiste Pocquelin, dict Molliere ». Selon Grimarest, « ce fut alors [qu'il] prit le nom qu'il a toujours porté depuis. Mais lorsqu'on lui a demandé ce qui l'avait engagé à prendre celui-là plutôt qu'un autre, jamais il n'en a voulu dire la raison, même à ses meilleurs amis ».
Certains auteurs voient dans ce choix un hommage au musicien et danseur Louis de Mollier (vers 1615-1688), auteur en 1640 d'un recueil de Chansons pour danser. Selon Paul Lacroix, par exemple, on peut avancer « avec une certaine apparence de probabilité que Poquelin se regardait comme le fils adoptif du sieur de Molère » ; Elizabeth Maxfield-Miller considère, quant à elle, comme « très plausible » l'hypothèse que « le jeune Poquelin aurait rencontré Louis de Mollier, [lequel] lui aurait permis d'employer une variante de son nom comme nom de théâtre ».
D'autres font remarquer que le patronyme Molière avait été illustré, plus tôt dans le siècle, par l'écrivain François de Molière d'Essertines, proche des milieux libertins et auteur d'un roman-fleuve dans le goût de L'Astrée intitulé La Polyxene de Moliere, dont une quatrième réédition vient de paraître en cette année 1644 où Jean-Baptiste Poquelin adopte son nom de scène.
Cependant l'hypothèse la plus probable, selon l'historien Georges Forestier, est à chercher du côté des usages des comédiens professionnels. Il rappelle que la grande majorité des comédiens du 17ᵉ siècle choisissent des noms de scène se référant à des fiefs imaginaires, tous champêtres : Pierre le Messier, sieur de Bellerose, Guillaume Desgilberts, sieur de Montdory, Josias de Soulas, sieur de Floridor, Zacharie Jacob, sieur de Montfleury. Pour en rester à la seule lettre B, on n'en finirait pas de dénombrer les Beaubourg, Beauchamps, Beauchâteau, Beauchesne, Beaufort, Beaulieu, Beaumont, Beaupré, Beauval, Bellefleur, Bellefond, Belleroche, Bellerose, Bellonde, Boisvert, sans oublier Edme Villequin, sieur de Brie, dont l'épouse dite Mlle de Brie fut l'une des vedettes de la troupe de Molière. Or, ajoute Forestier, dans les mois qui suivirent la constitution de L'Illustre Théâtre, tous les garçons prirent des noms de théâtre champêtres. Joseph Béjart devint le « sieur de La Borderie », Germain Clérin le « sieur de Villabé », Georges Pinel le « sieur de La Couture », Nicolas Bonenfant, le « sieur de Croisac », et Nicolas Mary s'était depuis longtemps fait connaître comme le « sieur Des Fontaines ». Et Molière signa « De Molière ». Or, des dizaines de lieux-dits ou de villages français se nomment Meulière ou Molière, et désignent des sites où se trouvaient des carrières de pierres à meule ; en Picardie, les « mollières » sont des terres marécageuses et incultes. Il est donc très probable que Molière ait choisi à son tour un fief campagnard imaginaire, ce qui expliquerait qu'il ait commencé par signer « De Molière » et ait été régulièrement désigné comme « le sieur de Molière ».
Les années de province (1646-1658)
À l'automne 1645, Molière et ses compagnons du "Théâtre Illustre" tentent une tournée dans l'ouest de la France, mais elle ne semble pas avoir été fructueuse et on les retrouve empêtrés dans les procès en décembre. Heureusement, Molière et ses amis Béjart (Joseph, Madeleine et Geneviève, bientôt rejoints par leur mère qui amène le petit Louis, âgé de 16 ans) sont engagés durant le relâche de Pâques 1646 par la plus réputée des "troupes de campagne", la troupe du duc d'Épernon, gouverneur de Guyenne, et dirigée par Charles Dufrenne. En avril 1646, il quitte Paris avec cette troupe. Il passe les douze années suivantes à parcourir les provinces du royaume, principalement la Guyenne, le Languedoc, la vallée du Rhône, le Dauphiné, la Bourgogne, avec des séjours réguliers à Lyon, parfois longs de plusieurs mois. Même si une chronologie complète n'a pas pu être établie, on a repéré la présence de la troupe à Agen, Toulouse, Albi, Carcassonne, Poitiers, Grenoble, Pézenas, Montpellier, Vienne, Dijon, Bordeaux, Narbonne, Béziers et Avignon (voir carte ci-contre).
À cette époque, des troupes itinérantes — on en compte une petite quinzaine — sillonnent les routes de France, menant le plus souvent une vie précaire, dont Scarron a brossé un tableau haut en couleur dans son Roman comique en 1651. En dépit de la célèbre déclaration formulée le 16 avril 1641 par Louis 13 à l'initiative de Richelieu, déclaration qui levait l'infamie pesant sur les comédiens, l'Église continue, dans de nombreuses villes, petites ou grandes, de s'opposer aux représentations théâtrales. Quelques troupes cependant jouissent d'un statut privilégié, qu'elles doivent à la protection d'un grand seigneur amateur de fêtes et de spectacles. C'est le cas de celle que dirige alors le comédien Charles Dufresne et qui est entretenue depuis vingt ans par les puissants ducs d'Épernon, gouverneurs de Guyenne.
C'est cette troupe qui, au cours de l'année 1646, recueille les Béjart et Molière, lequel sera progressivement amené à en prendre la direction. Dès 1647, elle est appelée à jouer pour le comte d'Aubijoux, lieutenant-général du roi pour le Haut-Languedoc, « grand seigneur éclairé, libertin et fastueux », qui lui assure une « gratification annuelle considérable », l'invitant à se produire à Pézenas, Béziers, Montpellier.
Durant l'été 1653, le prince de Conti, qui, après avoir été l'un des principaux chefs de la Fronde, capitule à Bordeaux et se rallie au pouvoir royal, quitte Bordeaux pour venir s'installer avec sa cour dans son château de la Grange des Prés à Pézenas. Il est à présent le troisième personnage du royaume. En septembre, la troupe de Dufresne-Molière est invitée à y donner la comédie devant le prince et sa maîtresse. Ce sera le début d'une étroite relation intellectuelle entre le prince et le comédien, dont Joseph de Voisin, confesseur de Conti, témoignera quinze ans plus tard :
« Monseigneur le prince de Conti avait eu en sa jeunesse tant de passion pour la comédie qu'il entretint longtemps à sa suite une troupe de comédiens, afin de goûter avec plus de douceur le plaisir de ce divertissement ; et ne se contentant pas de voir les représentations du théâtre, il conférait souvent avec le chef de leur troupe, qui est le plus habile comédien de France, de ce que leur art a de plus excellent et de plus charmant. Et lisant souvent avec lui les plus beaux endroits et les plus délicats des comédies tant anciennes que modernes, il prenait plaisir à les lui faire exprimer naïvement, de sorte qu'il y avait peu de personnes qui pussent mieux juger d'une pièce de théâtre que ce prince. »
Molière et ses camarades pourront dès lors se prévaloir, dans tous les lieux où ils joueront, de la protection et des largesses de « Son Altesse Sérénissime le prince de Conti ». Le musicien et poète d'Assoucy, qui passe plusieurs mois avec eux en 1655, décrit une troupe accueillante où l'on fait bonne chère et qui jouit d'une large prospérité.
En 1653 ou 1655, alors qu'elle séjourne à Lyon, la troupe crée L'Étourdi ou les Contretemps, première « grande comédie » de Molière, largement imitée d'une pièce italienne. Exploitant des procédés typiques de la commedia dell'arte, Molière donne au rôle de Mascarille, qu'il interprète, une exceptionnelle importance, le faisant paraître dans 35 des 41 scènes que compte la pièce ; ce qui fait écrire à l'historienne Virginia Scott que Molière avait alors « découvert que son véritable talent était dans la comédie, même s'il n'avait pas encore abandonné tout espoir d'être reconnu comme acteur tragique » — comme le montrent les portraits en habit de César peints par Sébastien Bourdon et les frères Mignard.
Au cours de cette période, Molière compose aussi un certain nombre de farces. Citant l'une de ces petites pièces, Le Docteur amoureux, que la troupe devait jouer en octobre 1658 devant le roi, La Grange écrira : « Cette comédie et quelques autres de cette nature n'ont point été imprimées : il les avait faites sur quelques idées plaisantes, sans y avoir mis la dernière main, et il trouva à propos de les supprimer lorsqu'il se fut proposé pour but, dans toutes ses pièces, d'obliger les hommes à se corriger de leurs défauts. Comme il y avait longtemps qu'on ne parlait plus de petites comédies, l'invention en parut nouvelle, et celle qui fut représentée ce jour-là divertit autant qu'elle surprit tout le monde. »
Ces farces obtiennent un vif succès, comme en témoigne le contemporain Donneau de Visé, qui souligne ce qu'elles doivent aux Italiens :
« Molière fit des farces qui réussirent un peu plus que des farces et qui furent plus estimées dans toutes les villes que celles que les autres comédiens jouaient. Ensuite il voulut faire une comédie en cinq actes et les Italiens ne lui plaisant pas seulement dans leur jeu, mais encore dans leurs comédies, il en fit une qu'il tira de plusieurs des leurs, à laquelle il donna pour titre L'Étourdi ou Les Contretemps. »
Grimarest met également l'accent sur l'inspiration italienne de ces farces : « Il avait accoutumé sa Troupe à jouer sur le champ de petites Comédies, à la manière des Italiens. Il en avait deux entre autres, que tout le monde en Languedoc, jusqu'aux personnes les plus sérieuses, ne se lassaient point de voir représenter. C'étaient Les Trois Docteurs rivaux, et Le Maître d'École, qui étaient entièrement dans le goût Italien. » Pour sa part, Henry Carrington Lancaster note que, si Molière a écrit de courtes farces, « elles peuvent avoir été inspirées par la commedia dell'arte aussi bien que par les survivances provinciales de la vieille farce française ».
Adaptées à un public qui avait pour l'improvisation « un goût vif et naturel », ces farces, dont la plupart ne nous sont pas parvenues, ont recours, selon des recherches récentes, aux « mêmes ressources dramatiques que celles qui [faisaient] le succès de la commedia dell'arte […] adoptant une forme de jeu scénique qui était jusqu'alors l'apanage des Italiens, comme le lazzo (acrobatie verbale et gestuelle), le quiproquo et, bien sûr, l'humour bouffon ». Divers spécialistes ont identifié dans les pièces de cette époque des modules dramatiques facilement réutilisables d'une pièce à une autre, dans lesquels la répétition de phrases ou de sections de phrase peut se prolonger de façon élastique — procédé typique du théâtre improvisé —. En ce sens, Molière peut être vu, selon Claude Bourqui, comme « l'héritier de la commedia dell'arte », voire, selon un critique anglais, comme le « dramaturge comique suprêmement italien que l'Italie n'a jamais produit ». En même temps, loin d'être un imitateur servile, Molière a transcendé ce répertoire par la cohérence de sa vision et l'arrimage délibéré du ressort comique à des questions pertinentes pour ses contemporains, ainsi que l'avait noté La Grange, cité plus haut.
En 1656, le prince de Conti, « converti aux valeurs chrétiennes les plus rigoureuses », retire sa protection à la troupe et lui interdit de porter plus longtemps son nom. Au cours du mois de décembre 1656, Molière fait représenter à Béziers sa deuxième « grande comédie », Le Dépit amoureux, pour les États de Languedoc.
Dans les dernières semaines de l'automne 1657, la troupe séjourne à Avignon. Molière s'y lie d'amitié avec les frères Nicolas et Pierre Mignard, qui peignent plusieurs portraits de lui et un tableau le représentant en dieu Mars étreignant Vénus-Madeleine Béjart.
Au début de 1658, la troupe, qui est dès lors considérée comme la meilleure « troupe de campagne » du royaume, décide de gagner Paris pour tenter de s'y implanter. Les comédiens commencent par se rendre à Rouen, d'où Molière et Madeleine Béjart peuvent faire aisément des allers et retours à la capitale, afin de trouver une salle et de s'assurer les appuis nécessaires.
Le début de la gloire
Le théâtre du Petit-Bourbon
Au début de l'automne 1658, Molière et ses camarades (Dufresne, Madeleine, Joseph, Geneviève et Louis Béjart, Edme et Catherine de Brie, Marquise Du Parc et son mari René, dit Gros-René) sont agréés par Philippe d'Orléans, dit « Monsieur », frère unique du roi, qui leur accorde sa protection. Le 24 octobre, ils se produisent au Louvre devant Louis 14, Anne d'Autriche, Mazarin et les comédiens de l'hôtel de Bourgogne. Ils jouent successivement Nicomède de Corneille et une farce de Molière qui n'a pas été conservée, Le Docteur amoureux.
À la suite de cet « examen réussi », la salle de théâtre du Petit-Bourbon, vaste et bien équipée, est mise à leur disposition. Ils l'occuperont pendant deux ans, jouant en alternance avec Scaramouche et ses camarades de la troupe italienne. C'est sans doute durant cette période que Molière perfectionne son jeu en étudiant les techniques du grand acteur comique qu'était Tiberio Fiorilli.
La « Troupe de Monsieur » commence à représenter le 2 novembre. Outre de vieilles pièces, la troupe joue L'Étourdi et Le Dépit amoureux, qui sont fort bien accueillis. Au cours du relâche de Pâques 1659, Dufresne prend sa retraite, laissant à Molière l'entière direction de la troupe. Entrent deux acteurs comiques, le célèbre « enfariné » Jodelet et son frère L'Espy, ainsi que Philibert Gassot, sieur Du Croisy et Charles Varlet, sieur de La Grange. Ce dernier a laissé un registre personnel, conservé à la Comédie-Française, dans lequel il notait les pièces jouées, la recette et ce qu'il jugeait important de la vie de la troupe. Ce document permet de suivre dans le détail le répertoire joué par Molière à partir de 1659.
Le 18 novembre 1659, Molière fait représenter une nouvelle pièce, la « petite comédie » des Précieuses ridicules, dans laquelle il joue le rôle du valet Mascarille. Satire féroce du snobisme et du jargon de certains salons parisiens mis en vogue notamment par Madeleine de Scudéry, la pièce remporte un vif succès et crée un effet de mode. Selon le « nouvelliste » Jean Donneau de Visé, « le succès fut tel qu'on venait à Paris de vingt lieues à la ronde afin d'en avoir le divertissement ». Le sujet est copié et repris. Molière fait imprimer sa pièce à la hâte parce qu'on tente de la lui voler, ainsi qu'il s'en explique dans une préface qui ne manque pas de piquant. C'est la première fois qu'il publie, il a désormais le statut d'auteur.
Plusieurs hauts personnages — ministres, financiers et autres « grands seigneurs », dont le prince de Condé, de retour d'exil — invitent la troupe à venir représenter Les Précieuses dans leurs hôtels. De retour de Saint-Jean-de-Luz, où il est allé épouser l'infante Marie-Thérèse d'Espagne, Louis 14 voit la pièce le 29 juillet 1660. Deux jours plus tard, il verra Sganarelle ou le Cocu imaginaire, « petite comédie » en vingt-trois scènes en vers, qui sera, jusqu'à la mort de Molière, la comédie la plus souvent représentée par la troupe. Cette pièce suscite un tel intérêt qu'il s'en publie rapidement une édition pirate, due à Neuf-Villenaine, pseudonyme de Donneau de Visé. Dans l'épître de cette édition, intitulée « À un ami », ce dernier écrit :
« Ses pièces ont une si extraordinaire réussite, puisque l'on n'y voit rien de forcé, que tout y est naturel, que tout y tombe sous le sens, et qu'enfin les plus spirituels confessent que les passions produiraient en eux les mêmes effets qu'elles produisent en ceux qu'il introduit sur la scène. »
La nouvelle troupe suscite dans le public parisien un véritable engouement, qu'elle doit moins aux tragédies qu'elle continue sans succès de mettre à l'affiche, qu'aux comédies de Molière, qui vont constituer peu à peu l'essentiel du répertoire.
Le 6 avril 1660, le frère cadet de Molière, Jean III Poquelin, meurt. La charge de tapissier et valet de chambre du roi revient de nouveau à l'aîné. Il la gardera jusqu'à sa mort. Elle impliquait qu'il se trouve chaque matin au lever du roi, un trimestre par an. Dans son acte d'inhumation, il sera dit « Jean-Baptiste Poquelin de Molière, tapissier, valet de chambre du roi ». Selon la préface de son œuvre parue en 1682, « son exercice de la comédie ne l'empêchait pas de servir le Roi dans sa charge de valet de chambre où il se rendait très assidu ».
Le 11 octobre 1660, Antoine de Ratabon, surintendant des bâtiments du roi, donne l'ordre d'entamer les travaux de démolition du Petit-Bourbon, pour faire place à la future colonnade du Louvre. Une nouvelle salle, située dans le Palais-Royal, demeure de Philippe d'Orléans et Henriette d'Angleterre, est mise à la disposition de la Troupe de Monsieur, qui la partagera, là encore, avec les comédiens italiens.
Le théâtre du Palais-Royal
La salle du Palais-Royal, entièrement rénovée, ouvre ses portes le 20 janvier 1661. Le 4 février, la troupe y crée une nouvelle pièce de Molière, la comédie héroïque Dom Garcie de Navarre, dans laquelle il tient le rôle-titre aux côtés de Madeleine Béjart. Mais elle ne donnera lieu qu'à sept représentations consécutives, et ce fiasco, qui marque la fin des espoirs de l'acteur Molière pour s'imposer dans le genre tragique — alors considéré comme « le plus haut genre théâtral » —, ramène définitivement l'auteur sur le terrain de la comédie. Cette œuvre aujourd'hui délaissée n'en reste pas moins un moment charnière dans la carrière de Molière dramaturge. Jean de Beer écrit : « C'est dans Dom Garcie de Navarre qu'il entend pour la première fois quel son peut rendre sa présence dans ses ouvrages ; à cet égard, la pièce est importante, importante comme œuvre, importante comme date. […] Dans Dom Garcie, Molière pressent Alceste et Célimène, Amphitryon, et même Le Tartuffe et Les Femmes savantes lui devront quelque chose. »
Hostile à l'emphase qui prévalait alors dans l'interprétation de la tragédie, Molière était partisan d'une diction « naturelle », « modulée en fonction du sens du texte » et ce souci du naturel se révèle aussi dans son style, qui cherche « à prêter à chacun sa langue ». Grimarest, qui enseignait lui-même la déclamation, fournira plus tard un autre élément susceptible d'expliquer l'échec que Molière rencontra dans les rôles sérieux :
« Dans les commencements qu'il monta sur le théâtre, [Molière] reconnut qu'il avait une volubilité de langue dont il n'était pas le maître et qui rendait son jeu désagréable ; et des efforts qu'il faisait pour se retenir dans la conversation, il s'en forma un hoquet qui lui demeura jusques à la fin. Mais il sauvait ce désagrément par toute la finesse avec laquelle on peut représenter. Il ne manquait aucun des accents et des gestes nécessaires pour toucher le spectateur […] Il est vrai qu'il n'était bon que pour représenter le comique. Il ne pouvait entrer dans le sérieux, et plusieurs personnes assurent qu'ayant voulu le tenter, il réussit si mal la première fois qu'il parut sur le théâtre qu'on ne le laissa pas achever. Depuis ce temps-là, dit-on, il ne s'attacha qu'au comique. »
Le 24 juin 1661, la troupe crée L'École des maris, une petite comédie en trois actes. Le succès est tel que le surintendant des finances Nicolas Fouquet passe commande à Molière d'un spectacle pour la fête à laquelle il a convié le roi et sa cour pour le 17 août, dans le cadre somptueux de son château de Vaux-le-Vicomte.
C'est la première fois que Molière crée une pièce pour la cour. Connaissant le goût de Louis 14 pour les ballets, il crée un nouveau genre, la comédie-ballet, intégrant comédie, musique et danse : les entrées de ballet ont le même sujet que la pièce et sont placées au début et dans les entractes de la comédie. Ce seront Les Fâcheux, pochade en trois actes et en vers, « conçue, faite, apprise et représentée en quinze jours », s'il faut en croire son auteur. Le roi ayant observé qu'un fâcheux auquel Molière n'avait pas pensé méritait sa place dans la galerie, Molière modifie rapidement le contenu de sa pièce pour y ajouter la scène du chasseur importun (Acte II, scène 6). Pour concevoir et mettre au point le spectacle dans lequel s'insère sa comédie et qui intègre la musique et la danse, Molière a collaboré avec Jean-Baptiste Lully pour la musique, Pierre Beauchamp pour la danse et Giacomo Torelli pour la scénographie. À partir de septembre, le spectacle, donné au Palais-Royal avec « ballets, violons, musique » et en faisant « jouer des machines », rencontre un public nombreux et lui aussi enthousiaste. La saison est une des meilleures de la troupe.
Cette première comédie-ballet (Molière en composera quatre ou cinq autres) soulève l'enthousiasme de La Fontaine, qui écrit à son ami Maucroix : « C'est un ouvrage de Molière : / Cet écrivain, par sa manière, / Charme à présent toute la cour. / De la façon que son nom court, / Il doit être par-delà Rome. / J'en suis ravi, car c'est mon homme. »
Mariage et paternité
Le 23 janvier 1662, Molière signe un contrat de mariage avec Armande Béjart, « âgée de vingt ans ou environ », qu'il épouse religieusement le 20 février. Dans les deux occasions, la jeune femme est dite fille de Joseph Béjart et Marie Hervé, et sœur de Madeleine Béjart, son aînée de vingt ans ou plus. Toutefois, certains contemporains voient en elle la fille de Madeleine. C'est ce qu'affirmera Nicolas Boileau en 1702, et c'est la thèse que Grimarest défendra trois ans plus tard dans sa Vie de M. de Molière, précisant même qu'Armande est une fille que Madeleine a eue avant de connaître le jeune Poquelin, de « Monsieur de Modène, gentilhomme d'Avignon ». De fait, Esprit de Rémond de Modène et la jeune Madeleine Béjart ont eu le 3 juillet 1638 une fille qui, huit jours plus tard à l'église Saint-Eustache, a reçu le prénom de Françoise, et ils seront, en 1665, respectivement parrain et marraine d'Esprit-Madeleine Poquelin, fille de Molière et d'Armande.
Les historiens s'accordent à voir la future « Mademoiselle Molière » (Armande Béjart) dans la jeune « Mademoiselle Menou » qui, en 1653, jouait le rôle d'une néréide dans une représentation de l'Andromède de Corneille donnée à Lyon par Molière et ses camarades.
L'acte de baptême d'« Armande Grésinde Claire Élisabeth Béjart » aurait pu établir sa véritable filiation, mais il n'a pas été présenté lors de la signature du contrat de mariage, et il n'a jusqu'à présent pas été retrouvé.
L'incertitude née de la grande différence d'âge entre les deux « sœurs » Béjart sera exploitée par les ennemis de Molière, qui, à plusieurs reprises au cours de la décennie suivante, insinueront qu'Armande serait la propre fille de Molière et de son ancienne maîtresse. Ainsi, dans une requête présentée à Louis 14 au plus fort de la « querelle de L'École des femmes » (voir ci-dessous), le comédien Montfleury, ridiculisé par Molière dans L'Impromptu de Versailles, accusera celui-ci « d'avoir épousé la fille et d'avoir autrefois couché avec la mère ».
Molière et Armande auront un premier fils, Louis, baptisé le 24 février 1664 avec pour parrain Louis 14 et pour marraine Henriette d'Angleterre, duchesse d'Orléans, mais cet enfant meurt à 8 mois et demi. Ils auront ensuite une fille, Esprit-Madeleine, baptisée le 4 août 1665, morte en 1723 sans descendance ; une autre fille, Marie, morte peu après sa naissance à la fin de l'année 1668 et un deuxième fils, Pierre, baptisé le premier octobre 1672 et mort le mois suivant.
Ce mariage a fait couler beaucoup d'encre. La jeune Armande, au dire de ses détracteurs, aimait se faire courtiser par une foule d'admirateurs, au grand dam d'un Molière fort jaloux et dont les rieurs se moquaient d'autant plus qu'il avait mis en scène des personnages de mari trompé : « Si vous voulez savoir pourquoi presque dans toutes ses pièces il raille tant les cocus et dépeint si naturellement les jaloux, c'est qu'il est du nombre de ces derniers. » Ce thème sera exploité dans la pièce Élomire hypocondre (1670) et, plus encore, dans la biographie romancée La Fameuse Comédienne (1688), qui dresse de « la Molière » un portrait extrêmement négatif. Grimarest, qui s'appuie sur les souvenirs de Baron et de nombreux témoignages, laisse entendre que le couple n'était pas heureux et présente Armande comme « une coquette outrée ». Dans les moments difficiles, Molière se retirait dans la maison qu'il louait dans le village d'Auteuil depuis le milieu de la décennie 1660-1670. Toujours amoureux de sa femme, il l'aurait décrite sous les traits de Lucile dans Le Bourgeois gentilhomme (Acte III, scène 9).
Le temps des polémiques
La querelle de L'École des femmes
Le 26 décembre 1662, la troupe crée L'École des femmes, quatrième grande comédie de Molière, dans laquelle il bouscule les idées reçues sur le mariage et la condition des femmes. Le succès, éclatant, consacre Molière comme grand auteur. C'est de cette période, en particulier, que les historiens datent le début de ses relations avec Nicolas Boileau, qui fait paraître en septembre 1663 ses célèbres Stances à Molière dans lesquelles il défend vigoureusement la pièce : « En vain mille esprits jaloux, / Molière, osent avec mépris / Censurer ton plus bel ouvrage […] ».
Cependant, quelques littérateurs en quête de notoriété — au premier rang desquels Jean Donneau de Visé et Charles Robinet, rédacteur de la Gazette dite de Renaudot, soutenus dans l'ombre par les frères Pierre et Thomas Corneille — pointent dans la pièce ce qu'ils feignent de considérer comme des indices d'immoralité, telle la fameuse scène du « le… » (Acte II, scène 5), et d'impiété, telle la prétendue parodie de sermon dans les recommandations d'Arnolphe à Agnès, et des commandements divins dans les Maximes du mariage ou les devoirs de la femme mariée, avec son exercice journalier (Acte III, scène 2).
À cela s'ajoutent des comédies jouées par la troupe concurrente de l'hôtel de Bourgogne, qui mettent en cause la moralité de Molière et l'attaquent sur sa vie privée. La querelle de L'École des femmes va durer plus d'un an et nourrir les entretiens des salons parisiens.
Molière, qui semble avoir d'abord bien accueilli la publicité que lui attiraient ces critiques, réplique une première fois en juin 1663 au Palais-Royal par La Critique de l'École des femmes, dans laquelle un des personnages revient sur le scandale provoqué par la scène du « le… ». Faisant valoir « ses mérites d'auteur et d'inventeur de la psychologie comique », il montre que l'art de la comédie est plus exigeant que celui de la tragédie :
« Uranie : La tragédie, sans doute, est quelque chose de beau quand elle est bien touchée ; mais la comédie a ses charmes, et je tiens que l'une n'est pas moins difficile à faire que l'autre.
— Dorante : Assurément, madame ; et quand, pour la difficulté, vous mettriez un plus du côté de la comédie, peut-être que vous ne vous abuseriez pas. Car enfin, je trouve qu'il est bien plus aisé de se guinder sur de grands sentiments, de braver en vers la fortune, accuser les destins, et dire des injures aux dieux, que d'entrer comme il faut dans le ridicule des hommes, et de rendre agréablement sur le théâtre les défauts de tout le monde. »
En juin, Louis 14 fait dispenser ses premières « gratifications aux gens de lettres ». Molière, qui fait partie des bénéficiaires, compose et fait paraître à cette occasion un Remerciement au Roi en vers libres. Sa gratification sera renouvelée tous les ans jusqu'à sa mort.
En octobre, il présente devant la cour L'Impromptu de Versailles, sorte de « comédie des comédiens », dans laquelle il met en scène sa propre troupe en train de répéter et demande solennellement à ses ennemis de cesser de l'attaquer sur sa vie privée.
L'interdiction du Tartuffe
Le 29 janvier 1664, dans le salon de la reine-mère Anne d'Autriche au Louvre, Molière présente devant la famille royale une comédie-ballet, Le Mariage forcé, dans laquelle il reprend son personnage de Sganarelle et où Louis 14 danse, costumé en Égyptien,.
Du 30 avril au 14 mai 1664, la troupe de Monsieur est à Versailles pour les fêtes des Plaisirs de l'île enchantée, qui sont en quelque sorte l'inauguration des jardins de Versailles. C'est un véritable « festival Molière » et sa troupe contribue beaucoup aux réjouissances des trois premières journées. Le deuxième jour, elle crée La Princesse d'Élide, « comédie galante, mêlée de musique et d'entrées de ballet » dont Molière, pressé par le temps, n'a pu versifier que le premier acte et une scène du deuxième.
Le soir du 12, alors qu'une partie des invités du roi a regagné Paris, la troupe crée une nouvelle comédie de Molière intitulée, semble-t-il, Le Tartuffe ou l'Hypocrite. Cette première version en trois actes est chaudement applaudie par le roi et ses invités. Le lendemain pourtant, ou le surlendemain, Louis 14 se laisse convaincre par son ancien précepteur, le tout nouvel archevêque de Paris Hardouin de Péréfixe, d'interdire les représentations publiques de la pièce — ce qui ne l'empêchera pas de la revoir quatre mois plus tard, en privé, avec une partie de la Cour, au château de Villers-Cotterêts, résidence de son frère Philippe d'Orléans.
Cette satire de la fausse dévotion, en plaçant la religion sous un jour comique sinon ridicule, scandalise les milieux dévots. La pièce de Molière prend en effet position sur une question éminemment politique, celle de la séparation de l'Église et de l'État : « L'hypocrisie de Tartuffe […] pose le problème, propre à la société catholique, depuis la Renaissance et le concile de Trente, du respect des frontières entre sacerdoce et laïcat, entre morale cléricale et morale civile, entre espace sacré et espace public laïc. »
Quelques semaines après la première représentation, le curé Pierre Roullé, farouche adversaire du jansénisme, publie un opuscule intitulé Le Roy glorieux au monde, ou Louis 14, le plus glorieux de tous les Roys du monde, dans lequel il traite Molière de « démon vêtu de chair et habillé en homme ». Molière se défend par un premier Placet présenté au Roi, à l'été 1664, dans lequel il cite les outrances de ce pamphlet comme contraires au jugement favorable qu'avait d'abord donné le roi et invoque pour sa défense le but moral de la comédie :
« Le devoir de la comédie étant de corriger les hommes en les divertissant, j'ai cru que, dans l'emploi où je me trouve, je n'avais rien de mieux à faire que d'attaquer par des peintures ridicules les vices de mon siècle ; et comme l'hypocrisie sans doute en est un des plus en usage, des plus incommodes et des plus dangereux, j'avais eu, Sire, la pensée que je ne rendrais pas un petit service à tous les honnêtes gens de votre royaume, si je faisais une comédie qui décriât les hypocrites et mît en vue comme il faut toutes les grimaces étudiées de ces gens de bien à outrance, toutes les friponneries couvertes de ces faux-monnayeurs en dévotion, qui veulent attraper les hommes avec un zèle contrefait et une charité sophistique. »
Louis XIV ayant confirmé l'interdiction de représenter la pièce en public, Molière entreprend de la remanier pour la rendre conforme à son argumentation. On sait, par une lettre du duc d'Enghien, qu'au début de l'automne 1665 il est en train d'ajouter un quatrième acte aux trois actes joués à Versailles l'année précédente.
À la fin de juillet 1667, Molière profite d'un passage du roi chez son frère et sa belle-sœur à Saint-Cloud pour obtenir l'autorisation de représenter une nouvelle version en cinq actes. La pièce s'appelle désormais L'Imposteur et Tartuffe y est renommé Panulphe. Créé le 5 août au Palais-Royal devant une salle comble, le spectacle est immédiatement interdit sur ordre du premier président du Parlement, Guillaume de Lamoignon — chargé de la police en l'absence du roi —, interdiction redoublée le 11 août par l'archevêque de Paris, qui fait défense à ses diocésains, sous peine d'excommunication, de représenter, lire ou entendre la pièce incriminée. Molière tente d'obtenir l'appui de Louis 14 en écrivant un Second placet, que La Grange et La Thorillière sont chargés d'aller présenter au roi, qui fait alors le siège de Lille. Cette démarche reste sans succès.
Pour que la pièce soit définitivement autorisée, sous le titre Le Tartuffe ou l'Imposteur, il faudra attendre encore un an et demi et la fin de la guerre contre les jansénistes, ce qui donne à Louis 14 les coudées franches en matière de politique religieuse. Cette autorisation intervient au moment exact de la conclusion définitive de la Paix clémentine, aboutissement de longues négociations entre, d'un côté, les représentants du roi et le nonce du pape Clément IX et, de l'autre, les représentants des « Messieurs » de Port-Royal et des évêques jansénistes. La coïncidence est frappante : l'accord étant conclu en septembre 1668, c'est le premier janvier 1669 qu'une médaille commémorant la Paix de l'Église est frappée. Et c'est le 3 février, deux jours avant la première du Tartuffe, que le nonce du pape remet à Louis 14 deux « brefs » dans lesquels Clément 9 se déclarait entièrement satisfait de la « soumission » et de l'« obéissance » des quatre évêques jansénistes.
Le Tartuffe définitif est ainsi créé le 5 février 1669. C'est le triomphe de Molière, sa pièce le plus longtemps jouée (72 représentations jusqu'à la fin de l'année) et son record de recettes.
Triomphe et mise en cause du Festin de Pierre, puis protection royale
Le dimanche 15 février 1665, la troupe de Monsieur crée Le Festin de Pierre ou l'Athée foudroyé, comédie de Molière qui constitue la troisième adaptation française de la légende de Don Juan. C'est un triomphe : la recette dépasse même celles de L'École des femmes, et les suivantes s'accroîtront encore durant les deux premières semaines du carême.
Donné quinze fois jusqu'au 20 mars, le spectacle n'est pas repris après le relâche de Pâques. Le texte de Molière ne sera édité qu'après sa mort et il faudra attendre cent cinquante ans pour qu'il soit rejoué sur une scène française.
Au cours du relâche de Pâques, un libraire spécialisé dans la publication de pièces de théâtre, et en particulier celles qui ont été créées à l'hôtel de Bourgogne, met en vente un libelle au titre presque anodin : Observations sur une comédie de Molière intitulée « Le Festin de Pierre », dans lequel un « sieur de Rochemont », dont on ignore aujourd'hui encore la véritable identité, s'en prend avec une extrême violence à Molière et à ses deux dernières pièces : Le Tartuffe et Le Festin de Pierre. Le succès de ce pamphlet est immédiat et presque aussi important que celui de la comédie qu'il dénonce.
Deux partisans de Molière prennent sa défense quelques mois plus tard : le premier n'a jamais été identifié ; le second serait Jean Donneau de Visé selon René Robert et François Rey. Ils seront rejoints en août par Charles Robinet, ancien détracteur de Molière et principal rédacteur de la Gazette dite de Renaudot.
Le roi fait taire les adversaires de Molière en prenant la troupe sous sa protection. Selon François Rey, l'événement aurait eu lieu le 14 juin, dans le cadre d'une grande fête donnée par Louis 14 à Versailles et où la troupe de Molière a été appelée à jouer Le Favori de Mademoiselle Desjardins, qu'elle vient de créer au Palais-Royal. Ce jour-là, écrira plus tard La Grange dans son Registre, en se trompant apparemment de date et de lieu, « le Roi dit au sieur de Molière qu'il voulait que la troupe dorénavant lui appartînt, et la demanda à Monsieur. Sa Majesté donna en même temps six mille livres de pension à la troupe, qui prit congé de Monsieur, lui demanda la continuation de sa protection et prit ce titre : La Troupe du Roi au Palais-Royal ». Désormais, les trois troupes françaises de Paris sont directement sous l'autorité royale.
L'apogée de sa carrière
Contrairement à une idée reçue depuis le 20ᵉ siècle, on ne voit pas que Molière ait eu à souffrir des polémiques occasionnées par ses trois pièces réputées les plus audacieuses. Comédies-ballets créées à la cour et comédies unies créées à la ville ou à la cour alternent avec un succès qui se dément rarement jusqu'à la mort de Molière en février 1673. Et les critiques qui ont cru que Le Misanthrope, créé en juin 1666, manifestait le désarroi de Molière face aux difficultés rencontrées par Le Tartuffe n'ont sans doute pas pris suffisamment en compte le témoignage, il est vrai tardif, de Nicolas Boileau, selon lequel Le Misanthrope aurait été entrepris dès le commencement de 1664, c'est-à-dire parallèlement au Tartuffe.
Certes, Molière dut patienter cinq ans avant que son Tartuffe reçoive enfin l'autorisation d'être représenté en public, et il lui fallut transformer sa pièce pour en gommer le côté trop manifeste de satire de la dévotion. L'Église et les dévots ne furent cependant pas dupes et continuèrent de juger la pièce dangereuse. Si Molière n'a jamais voulu renoncer à cette pièce, quoique interdite, c'est qu'il se savait soutenu par les personnages les plus puissants de la cour, à commencer par le roi lui-même, et qu'il était certain qu'une comédie qui ridiculisait les dévots attirerait la foule dans son théâtre.
Parallèlement, Molière put donner l'impression de s'orienter vers des sujets en apparence inoffensifs : c'est du moins ainsi que l'interprétèrent les critiques du 20ᵉ siècle. En fait, Molière passa d'une satire à une autre, en apparence plus inoffensive et moins dangereuse : celle de la médecine et des médecins — dont plusieurs chercheurs ont montré les liens avec la satire anti-religieuse.
La troupe
La troupe est d'une stabilité exemplaire. À Pâques 1670, elle compte encore trois acteurs du temps de l'Illustre Théâtre : Molière, Madeleine Béjart et sa sœur Geneviève. Sept en faisaient partie lors des débuts à Paris (les mêmes plus Louis Béjart et le couple De Brie). Neuf y jouent depuis le remaniement de 1659 (les mêmes, plus La Grange et Du Croisy).
Les nouveaux sont La Thorillière (1662), Armande Béjart (1663) et André Hubert (1664). Un seul départ volontaire : celui de Marquise Du Parc, qui, à Pâques 1667, passe à l'hôtel de Bourgogne, où elle créera le rôle-titre de l'Andromaque de Racine. Un seul départ à la retraite : celui de L'Espy, frère de Jodelet. En 1670, Louis Béjart demande à son tour à quitter le métier ; il a 40 ans. Les comédiens s'engagent à lui verser une pension de 1 000 livres aussi longtemps que la troupe subsiste.
En avril 1670, le jeune Michel Baron, alors âgé de 17 ans, entre dans la troupe. Molière tenait tellement à l'y avoir qu'il avait obtenu une lettre de cachet du roi pour l'enlever, malgré son contrat, à la troupe de campagne dont il faisait partie. Ce dernier a une part et le couple Beauval, comédiens chevronnés, une part et demie. La compagnie compte désormais huit comédiens et cinq comédiennes, pour douze parts et demie.
Madeleine Béjart meurt le 17 février 1672, un an jour pour jour avant Molière. Elle est inhumée sans difficulté sous les charniers de l'église Saint-Paul. Elle a en effet reçu les derniers sacrements, après avoir signé (sous la contrainte) l'acte de renonciation solennelle à la profession de comédienne. Elle jouissait d'une large aisance. Son testament favorise grandement sa sœur (ou sa fille) Armande.
Pour les comédiens de Molière, c'est la prospérité. Pour les cinq dernières saisons (1668-1673), le bénéfice total annuel de la troupe — revenus du théâtre, gratifications pour les représentations privées données à des particuliers, gratifications du roi et pension du roi — s'élève en moyenne à 54 233 livres, contre 39 621 livres les cinq saisons précédentes, à répartir en douze parts environ.
Molière est riche. Roger Duchêne a calculé que, pour la saison 1671-1672, sa femme et lui ont reçu 8 466 livres à eux deux pour leurs parts de comédiens, plus ce que Molière a eu de la troupe comme auteur et ce que les libraires lui ont versé pour la publication de ses pièces. Il s'y ajoute les rentes des prêts qu'il a consentis et les revenus qu'Armande tire de l'héritage de Madeleine, soit au total plus de 15 000 livres, l'équivalent, ajoute Duchêne, du montant de la pension que verse Louis 14 au comte de Grignan pour exercer sa charge de lieutenant général au gouvernement de la Provence.
Durant les quatorze saisons de son activité parisienne, entre 1659 et 1673, la troupe a joué quatre-vingt-quinze pièces pour un total de 2 421 représentations, publiques ou privées.
Les sept dernières saisons de Molière
Saison 1665-1666 : le 14 septembre 1665, la Troupe du Roi crée devant la cour réunie à Versailles L'Amour médecin, comédie-ballet en trois actes et en prose. Ce « petit impromptu » a été, écrit Molière dans sa préface, « proposé, fait, appris et représenté en cinq jours ».
Décembre 1665 : très longue interruption des représentations de la troupe. Le bruit court que Molière est malade.
Saison 1666-1667 : en mars, paraît la première véritable édition de ses Œuvres complètes en deux volumes et à pagination continue. Elle contient neuf pièces et est imprimée et mise en vente par un cartel de huit libraires, avec des « lettres [de privilège] obtenues par surprise », ce qui amènera Molière à confier la publication de sa comédie suivante, Le Misanthrope, à un libraire, Jean Ribou, qui en 1660 avait piraté Les Précieuses ridicules et Sganarelle ou le Cocu imaginaire.
Le 4 juin 1666, il donne la première représentation publique du Misanthrope, sa Seizième pièce, dans laquelle il joue le rôle d'Alceste. Cette « grande comédie » est une pièce « ambigüe et particulièrement riche […] qui représente un point d'équilibre entre toutes les expériences dramaturgiques de Molière ». Au lieu de montrer un amoureux dont les desseins sont contrariés par un rival ou un père intransigeant, le protagoniste y est son propre adversaire. La pièce sera jouée 299 fois jusqu'à la fin du règne de Louis 14 (1715).
Le 6 août, au Palais-Royal, Molière crée Le Médecin malgré lui, qu'il appelle une « petite bagatelle ». Selon son contemporain Subligny : « Cette bagatelle est d'un esprit si fin / Que […] / L'estime qu'on en fait est une maladie / Qui fait que dans Paris tout court au Médecin. »
Le premier décembre 1666, la troupe part à Saint-Germain pour de grandes fêtes données par le roi, qui mobilisent toutes les troupes de Paris et dureront jusqu'au 27 février 1667. Elle joue dans le Ballet des Muses et donne trois comédies (Pastorale comique, Mélicerte et Le Sicilien). Le poète de la cour Benserade écrit à cette occasion : « Le célèbre Molière est dans un grand éclat / Son mérite est connu de Paris jusqu'à Rome. / Il est avantageux partout d'être honnête homme / Mais il est dangereux avec lui d'être un fat. »
Mars-décembre 1667 : maladie de Molière.
Le 10 juin, première du Sicilien à Paris. La recette est la plus faible jamais réalisée par la création d'une pièce de Molière. Celle-ci est toutefois considérée comme la meilleure partition musicale de Lully, grâce à « un heureux équilibre entre l'alternance des intermèdes musicaux, le parlé, le chanté et les ensembles vocaux ».
Le 5 août, création de L'Imposteur, réécriture du Tartuffe, interdit immédiatement. Ordonnance de Péréfixe qui menace d'excommunication toute personne qui verrait, lirait ou écouterait cette pièce. Molière se retire de la scène pendant plusieurs mois.
Saison 1667-1668 : le 13 janvier 1668, Amphitryon, comédie en trois actes et en vers libres adaptée de Plaute, est créé au Palais-Royal. Le roi et la cour assistent à la Troisième représentation aux Tuileries.
Outre son appartement parisien, Molière loue une maison à Auteuil, où il se retire pour lire et se reposer, et où il invite ses amis, notamment Chapelle.
Saison 1668-1669 : c'est une saison faste. Pour célébrer la paix d'Aix-la-Chapelle (mai 1668), le roi donne à sa cour des fêtes grandioses. Plus de deux mille personnes assistent au Grand Divertissement royal, pastorale avec chants et danse. La musique est de Lully, le texte de Molière. La comédie George Dandin est enchâssée dans la pastorale.
L'Avare, comédie en cinq actes et en prose, est créé le 9 septembre au Palais-Royal. Après Amphitryon créé en janvier, c'est la deuxième pièce adaptée de Plaute en une année. Molière la jouera 47 fois dans son théâtre. Les recettes, assez modestes, montrent à l'évidence que le public ne s'est pas passionné pour la pièce, alors que celle-ci deviendra l'un de ses plus grands succès. L'Avare est parfois caractérisé, à l'instar du Misanthrope et des Femmes savantes, comme une « comédie sérieuse », Harpagon n'étant pas un personnage entièrement comique. Le triomphe du Tartuffe, enfin joué librement le 5 février 1669, va faire oublier le relatif échec de L'Avare.
Saison 1669-1670 : la troupe a suivi la cour à Chambord du 17 septembre au 20 octobre 1669. C'est là qu'est joué Monsieur de Pourceaugnac, nouvelle comédie-ballet, où « l'action comique s'intègre à ce qui devient un spectacle total, auquel tous les arts sont appelés à participer ». La pièce est plus dure pour les médecins que Le Malade imaginaire, aussi âpre que L'Amour médecin. Reprise à Paris en novembre, elle y obtient un vif succès.
Pour le carnaval, un spectacle est commandé à Molière : ce seront Les Amants magnifiques, comédie en cinq actes et en prose, « mêlée de musique et d'entrées de ballet ». Le spectacle donné à Saint-Germain, en février 1670, « dépasse en pompe et en magnificence toutes les représentations antérieures […] Le roi participe au ballet dans le rôle de Neptune, puis d'Apollon ».
Saison 1670-1671 : Louis 14, qui vient de recevoir à Versailles l'ambassadeur ottoman Soliman Aga, veut donner à sa cour une comédie-ballet où des Turcs apparaissent sur scène à leur désavantage. Molière compose le texte, Lully la musique : l'ensemble donne Le Bourgeois gentilhomme. Le texte et l'intrigue n'ont ici qu'une importance secondaire, l'accent étant mis sur le côté spectaculaire d'une pièce qui se termine dans une « apothéose burlesque ». Donnée sept fois devant la cour en octobre 1670, puis au Palais-Royal à partir du 23 novembre, la pièce est « si populaire que tout Versailles et Paris en chantaient les airs ».
En janvier 1671, dans la grande salle des Tuileries, la Troupe du Roi crée devant la cour la tragédie-ballet de Psyché. Pressé par le temps, Molière a dû demander l'aide de Pierre Corneille et Philippe Quinault pour la versification. La musique est de Lully. La jeune Esprit Madeleine Poquelin joue le rôle d'une petite Grâce accompagnant Vénus.
Saison 1671-1672 : Les Fourberies de Scapin, créées le 24 mai 1671, sont un échec : 18 représentations seulement, avec des recettes de plus en plus faibles. À croire que le public a partagé l'opinion que Boileau exprimera deux ans plus tard dans son Art poétique : « Dans ce sac ridicule où Scapin s'enveloppe, / Je ne reconnais pas l'auteur du Misanthrope. » La pièce connaîtra le succès après la mort de Molière : 197 représentations de 1673 à 1715.
En décembre 1671, le roi commande pour l'arrivée de la nouvelle épouse de Monsieur un ballet, La Comtesse d'Escarbagnas, joué plusieurs fois devant la cour.
Le 11 mars 1672, Les Femmes savantes, septième et dernière grande comédie en cinq actes et en vers de Molière, est créée au Palais-Royal. C'est un franc succès : 1 735 livres de recette. Bussy-Rabutin estime que c'est « un des plus beaux ouvrages de Molière ». La pièce sera affichée sans discontinuer jusqu'au 15 mai, en deçà et au-delà du relâche de Pâques. Le roi la verra deux fois, la première à Saint-Cloud, le 11 août, la seconde le 17 septembre 1672 à Versailles ; ce sera alors la dernière fois que Molière jouera à la cour.
Le 1er octobre 1672, Molière et sa famille s'installent rue de Richelieu, dans une vaste maison à deux étages avec entresol.
Le 10 février 1673, la troupe donne la première représentation du Malade imaginaire, « comédie mêlée de musique et de danse » employant huit chanteurs et nombre de danseurs et musiciens. Loin d'être secondaires, les intermèdes musicaux occupent plus d'une heure dans la pièce et la musique de Charpentier, « soumise au sens des paroles, leur prête une force expressive plus grande ». C'est un succès : « Les trois premières représentations rapportèrent respectivement 1 992, 1 459 et 1 879 livres. » La quatrième sera fatale à Molière.
Avec Monsieur de Pourceaugnac (1669), Le Bourgeois gentilhomme (1670) et Le Malade imaginaire (1673), Molière est parvenu, écrit Georges Forestier, « à sublimer à la fois la formule de la farce et celle de la comédie-ballet dans un spectacle total où le ballet rythme le déroulement de la comédie, où la farce déborde la comédie pour rendre burlesque le ballet, où le déguisement, arme ordinaire des habiles contre le personnage ridicule, devient mascarade à laquelle on force celui-ci à participer ». En même temps, comme le fait remarquer Ramon Fernandez, Monsieur de Pourceaugnac présente « un monde cynique, indifférent au bien et au mal », comme c'était déjà le cas dans Amphitryon, George Dandin et L'Avare : Molière s'est désintéressé de la leçon morale de la comédie.
Le conflit avec Lully et la réponse de Molière
À partir de 1664, et pendant huit ans, Molière et Lully, surintendant de la musique royale, collaborent avec succès, Lully composant la musique des comédies de Molière pour les grandes fêtes royales. Comme Molière, il pensait jusqu'alors l'opéra en français impossible. Le succès de Pomone, premier opéra français, le fait changer d'avis. En mars 1672, Lully obtient du roi l'exclusivité des spectacles chantés et interdit aux troupes théâtrales de faire chanter une pièce entière sans sa permission. La troupe de Molière proteste, une bonne partie de son répertoire étant constituée de comédies-ballets. Le 29 mars 1672, le roi lui accorde la permission d'employer 6 chanteurs et 12 instrumentistes, à peu près l'effectif utilisé par son théâtre.
Le 8 juillet 1672, La Comtesse d'Escarbagnas est donnée au Palais-Royal avec une musique nouvelle de Marc-Antoine Charpentier, récemment revenu de ses études à Rome. En septembre, un nouveau privilège accorde à Lully la propriété des pièces dont il fera la musique. Molière confie aussi à Marc-Antoine Charpentier les intermèdes musicaux de pièces anciennes qu'il reprend, tel Le Mariage forcé dont le trio burlesque « La, la, la, la, bonjour » est resté célèbre.
Le goût du roi va à l'opéra, au détriment de ce que pratique Molière, attaché à l'importance du texte parlé et à la primauté de l'écrivain sur le musicien. Mais le roi aime aussi la comédie. Le succès du Bourgeois gentilhomme — pièce qui annonce à beaucoup d'égards Le Malade imaginaire — et le triomphe de Psyché avec une musique de Marc-Antoine Charpentier au Palais-Royal, le 11 novembre 1672, lui ont aussi confirmé que la troupe peut prospérer en jouant des pièces avec ballets et parties chantées pour le seul public parisien.
« Malade imaginaire » et maladie réelle : légendes et réalités
Depuis le 18ᵉ et surtout le 19ᵉ siècles, amateurs de Molière et historiens se sont interrogés sur la santé de cet auteur qui a été emporté par la maladie au sortir de la quatrième représentation du Malade imaginaire, le 17 février 1673, et ils ont reconstruit l'histoire de sa santé à partir de la fin. Découvrant que Molière était resté éloigné du théâtre à deux reprises en février 1666 et en avril 1667 et qu'on avait alors craint pour sa vie – le 28 février 1666, le protestant Élie Richard écrit à son cousin Élie Bouhéreau, qui habite Dublin : « Molière qu'on a cru mort se porte bien. » et en avril 1667 le gazetier Charles Robinet écrit : « Le bruit a couru que Molière / Se trouvait à l'extrémité / Et proche d'entrer dans la bière. » – ils en ont déduit que des rumeurs avaient commencé à courir sur sa santé dès 1665 et qu'il aurait rechuté en 1666, premières atteintes du mal qui allait le ronger puis l'emporter huit ans plus tard. En fait, les gazetiers, qui ont continué à signaler les maladies et les fièvres qui mettaient en danger les personnages les plus importants de Paris et de la Cour et qui avaient les yeux constamment fixés sur Molière, n'ont plus jamais signalé quelque maladie, quelque défaillance, quelque accès de fièvre et ont manifesté, comme tous les contemporains, une surprise extrême à l'annonce de sa mort (voir l'article Mort de Molière).
De la même manière, les historiens ont lu au sens littéral des passages contenus dans une comédie-pamphlet intitulée Élomire hypocondre (1670) : « C'est une grosse toux, avec mille tintouins / Dont l'oreille me corne. » Mais la lecture de l'ensemble du texte fait découvrir au contraire que c'est un Molière en pleine forme qui énonce ce symptôme et que sa femme se désespère de voir qu'il se croit malade alors qu'il a toute sa santé : l'intention de l'auteur d'Élomire hypocondre était de retourner contre Molière la satire anti-médicale contenue dans la plus récente comédie-ballet de Molière (Monsieur de Pourceaugnac) et de présenter Molière comme un hypocondriaque qui se croit malade et veut consulter des médecins et des guérisseurs qui se moquent de lui.
Dans la préface de l'édition posthume des Œuvres de Monsieur de Molière, attribuée à La Grange, un comédien entré dans la troupe en 1659 et qui y est resté jusqu'à la fin, ce dernier écrit :
« Lorsqu'il commença les représentations de cette agréable comédie [Malade imaginaire], il était malade en effet d'une fluxion sur la poitrine qui l'incommodait beaucoup, et à laquelle il était sujet depuis quelques années. Il s'était joué lui-même sur cette incommodité dans la cinquième scène du second Acte de L'Avare, lorsqu'Harpagon dit à Frosine : « Je n'ai pas de grandes Incommodités Dieu merci, il n'y a que ma fluxion qui me prend de temps en temps ; » À quoi Frosine répond : « Votre fluxion ne vous sied point mal, et vous avez grâce à tousser. » Cependant, c'est cette toux qui a abrégé sa vie de plus de vingt ans. »
Après la mort de Molière, aucune des très nombreuses épitaphes qui circuleront dans les semaines et les mois suivants ne laissera pourtant entendre que Molière était malade ; bien au contraire, beaucoup joueront avec le paradoxe que Molière, à jouer le malade et à feindre le mort en scène, a été rattrapé par la maladie et par la mort qui s'est ainsi vengée.
C'est à partir d'un roman biographique diffamatoire entièrement tourné contre Armande Béjart (La Fameuse Comédienne, anonyme, 1687) qu'est apparu le thème d'un Molière hanté par les infidélités de sa femme et progressivement rongé par la jalousie au point de s'en rendre de plus en plus malade. La même idée sera reprise par son premier biographe, Grimarest (La Vie de Monsieur de Molière, 1705), ouvrage qui pourrait ensuite avoir influencé divers recueils de souvenirs sur le grand comédien. Ainsi lit-on, sous la plume de Jacques de Losme de Montchesnay (1666-1740), confident de Boileau, l'anecdote selon laquelle cet ami de Molière lui aurait conseillé de quitter le théâtre, du moins comme acteur :
« Deux mois avant la mort de Molière, M. Despréaux alla le voir et le trouva fort incommodé de sa toux et faisant des efforts de poitrine qui semblaient le menacer d'une fin prochaine. Molière, assez froid naturellement, fit plus d'amitié que jamais à M. Despréaux. Cela l'engagea à lui dire : Mon pauvre M. Molière, vous voilà dans un pitoyable état. La contention continuelle de votre esprit, l'agitation continuelle de vos poumons sur votre théâtre, tout enfin devrait vous déterminer à renoncer à la représentation. À quoi le comédien aurait répondu : « Ah, Monsieur ! répondit Molière, que me dites-vous là? Il y a un honneur pour moi à ne point quitter ». »
La maladie devait toutefois progresser et se transformer en bronchite chronique pour finalement dégénérer en pneumonie ou en pleurésie. C'est à partir de ces divers témoignages — considérés comme de simples « anecdotes » par plusieurs spécialistes —, que l'histoire de la création de sa dernière comédie a été reconstituée. Il est en effet frappant qu'en 1673, Molière crée au Palais-Royal une comédie mêlée de musique (de Marc-Antoine Charpentier) et de danses, Le Malade imaginaire, sa trentième pièce, dans laquelle il joue le personnage d'Argan, qui doit feindre d'être mort et dont une des répliques est précisément : « N'y a-t-il point quelque danger à contrefaire le mort ? » Beaucoup de critiques ont dès lors estimé que le choix d'un tel sujet ne saurait être attribué à une pure coïncidence. Patrick Dandrey y voit « une forme d'exorcisme, de dénégation symbolique du mal ». D'autres critiques ont reconstitué tout le parcours de Molière à partir de cette dernière pièce, tel Gérard Defaux, selon qui Molière était certainement conscient qu'il allait livrer sa dernière pièce :
« À considérer [cette pièce] dans une perspective aussi globale que possible, celle de l'œuvre entière, de sa cohérence interne, de son déroulement parfaitement maîtrisé, de son dynamisme et de sa croissance pour ainsi dire organiques, l'impression s'impose très vite que Molière a composé sa dernière comédie en sachant qu'elle serait la dernière, qu'il allait bientôt mourir et que ses jours étaient comptés. Non seulement parce que la maladie, imaginaire ou non, en fournit le sujet, et que, même en apparence surmontée, l'angoisse de la mort y est bien évidemment partout présente. Mais aussi, et surtout, parce que cette comédie constitue une véritable somme de sa pensée et de son art, en quelque sorte son testament comique. »
Une mort légendaire
Les circonstances
Le 17 février 1673, un an jour pour jour après la mort de Madeleine Béjart, la Troupe du Roy donne la quatrième représentation du Malade imaginaire. Molière, qui y tient le rôle d'Argan, se sent plus fatigué qu'à l'ordinaire par sa « fluxion de poitrine », mais il refuse d'annuler la représentation. Selon le témoignage de La Grange (ci-contre), la mort serait survenue sur les dix heures du soir au 40, rue de Richelieu, ce que confirme la requête qu'Armande Béjart, veuve du défunt, a fait parvenir à l'archevêque de Paris, et dans laquelle elle fournit divers détails omis par Grimarest, notamment les allées et venues qui ont duré plus d'une heure et demie pour trouver un prêtre. Cette requête est le témoignage le plus fiable avec celui de La Grange.
L'idée selon laquelle il fut pris d'un malaise sur scène et qu'il était « si fort travaillé de sa fluxion qu'il eut de la peine à jouer son rôle » n'apparaît que dans des récits romancés postérieurs qui s'accordent seulement sur le fait qu'il mourut quelques heures plus tard.
Se fondant sur les souvenirs très peu fiables (si l'on en croit ses contemporains) de l'acteur Michel Baron, Grimarest a donné un récit circonstancié de cette fin, entièrement centré sur le seul Baron, qui sera repris sous des formes plus ou moins épurées par les historiens des 18ᵉ et 19ᵉ siècles, alors même qu'il est par avance contredit par le texte de la requête présentée par Armande Béjart à l'archevêque de Paris au lendemain de la mort de Molière :
« Les comédiens tinrent les lustres allumés, et la toile levée, précisément à quatre heures. Molière représenta avec beaucoup de difficulté, et la moitié des spectateurs s'aperçurent qu'en prononçant juro dans la cérémonie du Malade imaginaire, il lui prit une convulsion. Ayant remarqué lui-même que l'on s'en était aperçu, il se fit un effort et cacha par un ris forcé ce qui venait de lui arriver. Quand la pièce fut finie, il prit sa robe de chambre et fut dans la loge de Baron, et il lui demanda ce que l'on disait de sa pièce. […]. Baron après lui avoir touché les mains qu'il trouva glacées les lui mit dans son manchon pour les réchauffer. Il envoya chercher ses porteurs pour le porter promptement chez lui. […] Quand il fut dans sa chambre, Baron voulut lui faire prendre du bouillon, dont la Molière avait toujours provision pour elle, car on ne pouvait avoir plus de soin de sa personne qu'elle en avait. « Eh ! non, dit-il, les bouillons de ma femme sont de vraie eau forte pour moi ; vous savez tous les ingrédients qu'elle y fait mettre : donnez-moi plutôt un petit morceau de fromage de Parmesan. » La Forest lui en apporta ; il en mangea avec un peu de pain, et il se fit mettre au lit. Il n'y eut pas été un moment qu'il envoya demander à sa femme un oreiller rempli d'une drogue qu'elle lui avait promis pour dormir. « Tout ce qui n'entre point dans le corps, dit-il, je l'éprouve volontiers ; mais les remèdes qu'il faut prendre me font peur ; il ne faut rien pour me faire perdre ce qui me reste de vie. » Un instant après, il lui prit une toux extrêmement forte, et après avoir craché il demanda de la lumière. « Voici dit-il du changement ! » Baron, ayant vu le sang qu'il venait de rendre s'écria avec frayeur. « Ne vous épouvantez point, lui dit Molière, vous m'en avez vu rendre bien davantage. Cependant, ajouta-t-il, allez dire à ma femme qu'elle monte. » Il resta, assisté de deux sœurs religieuses, de celles qui viennent ordinairement à Paris quêter durant le carême, et auxquelles il donnait l'hospitalité. Elles lui donnèrent à ce dernier moment de sa vie tout le secours édifiant que l'on pouvait attendre de leur charité […] Enfin il rendit l'esprit entre les bras de ces deux bonnes sœurs. Le sang qui sortait par sa bouche en abondance l'étouffa. Ainsi, quand sa femme et Baron remontèrent, ils le trouvèrent mort. »
L'inhumation
Molière n'ayant pas signé de renonciation à sa profession de comédien, il ne peut recevoir une sépulture religieuse, car le rituel du diocèse de Paris subordonne l'administration des sacrements à cette renonciation faite par écrit ou devant un prêtre. L'Église est embarrassée. Le curé de Saint-Eustache ne peut, sans faire scandale, l'enterrer en faisant comme s'il n'avait pas été comédien. Et, de l'autre côté, refuser une sépulture chrétienne à un homme aussi connu risquait de choquer le public. La solution était de s'adresser à l'archevêque de Paris, ce que fait Armande le 18 février dans sa requête, où elle affirme que des trois prêtres de la paroisse de Saint-Eustache auxquels elle avait fait appel pour porter l'extrême-onction à Molière, deux avaient refusé de venir et le troisième était arrivé trop tard. Pour plus de sûreté, elle va se jeter aux pieds du roi, qui la « congédie brusquement » tout en faisant écrire à l'archevêque « d'aviser à quelque moyen terme ». Ce dernier, après enquête, « eu égard aux preuves » recueillies, permet au curé de Saint-Eustache d'enterrer Molière, à condition que cela soit « sans aucune pompe et avec deux prêtres seulement, et hors des heures du jour et qu'il ne sera fait aucun service pour lui, ni dans la dite paroisse, ni ailleurs ». Molière est donc enterré de nuit le 21 février dans le cimetière de la chapelle Saint-Joseph.
Le récit de la cérémonie est fait par un témoin anonyme sur un pli adressé à un prêtre de l'église Saint-Joseph :
« Mardi 21 février 1673, sur les neuf heures du soir, l'on a fait le convoi de Jean-Baptiste Poquelin Molière, tapissier, valet de chambre, illustre comédien, sans autre pompe sinon de trois ecclésiastiques ; quatre prêtres ont porté le corps dans une bière de bois couverte du poêle des tapissiers ; six enfants bleus portant six cierges dans six chandeliers d'argent ; plusieurs laquais portant des flambeaux de cire blanche allumés. Le corps pris rue de Richelieu devant l'hôtel de Crussol, a été porté au cimetière de Saint-Joseph et enterré au pied de la croix. Il y avait grande foule de peuple et l'on a fait distribution de mille à douze cents livres aux pauvres qui s'y sont trouvés, à chacun cinq sols. Ledit sieur Molière était décédé le vendredi au soir 17 février 1673. Monsieur l'Archevêque avait ordonné qu'il fût ainsi enterré sans aucune pompe, et même défendu aux curés et religieux de ce diocèse de faire aucun service pour lui. Néanmoins l'on a ordonné quantité de messes pour le défunt. »
Le 9 mars suivant, La Gazette d'Amsterdam consacrera un article à la mort et à l'enterrement de Molière. Du 13 au 21 mars suivant, on procède à un inventaire de ses biens.
La fin brutale d'un comédien aussi célèbre et controversé donna lieu à une centaine d'épitaphes et de poèmes. La plupart exprimaient de l'hostilité à l'égard de Molière, d'autres célébraient ses louanges, comme l'épitaphe composée par La Fontaine :
Sous ce tombeau gisent Plaute et Térence,
Et cependant le seul Molière y gît :
Leurs trois talents ne formaient qu'un esprit,
Dont le bel art réjouissait la France.
Ils sont partis, et j'ai peu d'espérance
De les revoir, malgré tous nos efforts ;
Pour un long temps, selon toute apparence,
Térence et Plaute et Molière sont morts.
Le 6 juillet 1792, désireuses d'honorer les cendres des grands hommes, les autorités révolutionnaires firent exhumer les restes présumés de Molière, et ceux de La Fontaine qui reposait dans le même lieu. L'enthousiasme étant retombé, les dépouilles restèrent de nombreuses années dans les locaux du cimetière, puis furent transférées en l'an VII au musée des monuments français. Quand ce musée fut supprimé, en 1816, on transporta les cercueils au cimetière de l'Est, l'actuel Père-Lachaise, où ils reçurent une place définitive le 2 mai 1817.
Épilogue
Une semaine après la mort de Molière, les représentations reprennent : Le Misanthrope d'abord, avec Baron dans le rôle d'Alceste, puis Le Malade imaginaire, avec La Thorillière dans celui d'Argan. Au cours de la clôture de Pâques, Baron, La Thorillière et le couple Beauval quittent la troupe pour rejoindre l'hôtel de Bourgogne ; un mois plus tard, le roi reprend aux camarades de Molière la salle qu'il avait accordée en 1660 à la « troupe de Monsieur » et la donne à Lully, afin d'y représenter ses spectacles d'opéra.
En 1680, un décret royal fait obligation à la Troupe du Roy à l'hôtel de Guénégaud de fusionner avec la Troupe Royale de l'hôtel de Bourgogne : c'est la naissance de la Comédie-Française. La nouvelle compagnie, assez nombreuse pour se partager entre Paris et les lieux de résidence de la cour, joue désormais tous les jours de la semaine, et non plus seulement les « jours ordinaires de comédie ».
En 1682, La Grange, à qui Armande Béjart avait remis tous les papiers de son défunt mari, publie les Œuvres de Monsieur de Molière en huit tomes, dont les deux derniers, intitulés Œuvres posthumes, donnent à lire pour la première fois des pièces que Molière n'avait jamais fait paraître. Selon certains, La Grange n'aurait pas hésité à modifier les dialogues de plusieurs comédies ; ce faisant, il inaugurait une pratique éditoriale qui s'est prolongée jusqu'aujourd'hui. Le premier volume s'ouvre sur une préface non signée mais assurément composée par La Grange et qui constitue la première notice biographique consacrée à Molière.
En 1705, Jean-Léonor Le Gallois de Grimarest publie, sous le titre de La Vie de M. de Molière, la première véritable biographie du « Térence français », dont une grande partie des éléments lui a été fournie par le comédien Michel Baron et qui, maintes fois rééditée en dépit des critiques dont elle a été l'objet dès sa parution, reste un document incontournable.
En 1723, la postérité de Molière s'éteint avec la mort de sa fille, Esprit-Madeleine Poquelin.
La vie de Molière reste encore mal connue. Nous ne possédons de lui ni lettres, ni brouillons, ni mémoires. Les maisons dans lesquelles il a vécu ont disparu. Les seuls restes tangibles de son existence sont un ensemble d'actes notariés signés de sa main et le fauteuil dans lequel il a eu un malaise lors de sa dernière représentation (reproduit plus haut).
L'homme Molière
Aspect physique et traits de caractère
On attribue à mademoiselle Poisson un portrait de Molière assez précis, que Jean-Louis Ignace de La Serre a reproduit en 1734 :
« Il n'était ni trop gras ni trop maigre ; il avait la taille plus grande que petite, le port noble, la jambe belle ; il marchait gravement, avait l'air très sérieux, le nez gros, la bouche grande, les lèvres épaisses, le teint brun, les sourcils noirs et forts, et les divers mouvements qu'il leur donnait lui rendaient la physionomie extrêmement comique. À l'égard de son caractère, il était doux, complaisant, généreux. Il aimait fort à haranguer ; et quand il lisait ses pièces aux comédiens, il voulait qu'ils y amenassent leurs enfants, pour tirer des conjectures de leurs mouvements naturels. »
Ce jugement est corroboré par de nombreux témoignages, tous, il est vrai, postérieurs à la mort de Molière. Dès 1674, Samuel Chappuzeau fait un vibrant « Éloge de Molière » :
« Outre les grandes qualités nécessaires au poète et à l'acteur, il possédait toutes celles qui font l'honnête homme ; il était généreux et bon ami, civil et honorable en toutes ses actions, modeste à recevoir les éloges qu'on lui donnait, savant sans vouloir le paraître, et d'une conversation si douce et si aisée que les premiers de la Cour et de la Ville étaient ravis de l'entretenir. »
La même année, dans la comédie L'Ombre de Molière, Brécourt dresse de son ancien camarade de scène un portrait tout aussi flatteur, le décrivant comme « le censeur de toutes les choses déraisonnables, blâmant les sottises, l'ignorance, et les vices de son siècle […] honnête, judicieux, humain, franc, généreux ».
Dans la préface de 1682, La Grange, qui a été son camarade durant plus de treize ans, le décrit comme :
« un homme civil et honnête, ne se prévalant point de son mérite et de son crédit, s'accommodant à l'humeur de ceux avec qui il était obligé de vivre, ayant l'âme belle, libérale : en un mot, possédant et exerçant toutes les qualités d'un parfaitement honnête homme. […] Quoi qu'il fût très agréable en conversation lorsque les gens lui plaisaient, il ne parlait guère en compagnie, à moins qu'il ne se trouvât avec des personnes pour qui il eût une estime particulière : cela faisait dire à ceux qui ne le connaissaient pas qu'il était rêveur et mélancolique ; mais s'il parlait peu, il parlait juste et d'ailleurs il observait les manières et les mœurs de tout le monde. »
Ce côté rêveur est également mentionné par Grimarest : « Chapelle reprochait toujours à Molière son humeur rêveuse. » De même, Nicolas Boileau « ne se lassait point d'admirer Molière, qu'il appelait toujours le Contemplateur. Il disait que la nature semblait lui avoir révélé tous ses secrets, du moins pour ce qui regarde les mœurs et les caractères des hommes. »
En 1663, dans sa comédie Zélinde ou la véritable critique de l'École des femmes, Donneau de Visé présente Élomire [Molière] appuyé sur un comptoir et silencieux,
« dans la posture d'un homme qui rêve. Il avait les yeux collés sur trois ou quatre personnes de qualité qui marchandaient des dentelles ; il paraissait attentif à leurs discours, et il semblait, par le mouvement de ses yeux, qu'il regardait jusques au fond de leurs âmes pour y voir ce qu'elles ne disaient pas. »
Et Donneau précise plus loin que Molière semblait cacher sous son manteau des tablettes sur lesquelles il notait les propos entendus ou dessinait les grimaces des gens qu'il observait.
Plusieurs anecdotes attestent qu'il était aussi d'un tempérament impatient et « facile à s'indigner ». Grimarest relève également qu'« il n'aimait point le jeu », qu'« il avait assez de penchant pour le sexe » et que « c'était l'homme du monde qui se faisait le plus servir ; il fallait l'habiller comme un Grand Seigneur, et il n'aurait pas arrangé les plis de sa cravate ».
L'acteur et le chef de troupe
En ce qui a trait à ses qualités d'acteur, « on ne doute plus aujourd'hui que Molière ait été un grand acteur comique. » « Tous [ses contemporains] s'accordent pour louer les qualités exceptionnelles du metteur en scène et de l'acteur comique. » Selon Donneau de Visé, « il semblait qu'il eût plusieurs voix ; tout parlait en lui, et d'un pas, d'un sourire, d'un clin d'œil et d'un remuement de tête, il faisait plus concevoir de choses que le plus grand parleur n'aurait pu dire en une heure. » À propos du jeu de Molière dans Sganarelle, il écrit dans ses commentaires publiés sous le pseudonyme de Neuf-Villenaine : « Son visage et ses gestes expriment si bien la jalousie, qu'il ne serait pas nécessaire qu'il parlât pour paraître le plus jaloux de tous les hommes », ajoutant que Molière comme acteur avait « des gestes qui sont inimitables, et qui ne se peuvent exprimer sur le papier ».
En revanche, Molière était médiocre dans le genre sérieux et se faisait régulièrement siffler dans des rôles tragiques. Comme le note Charles Perrault en 1697 : « Il a été si excellent acteur pour le comique, quoique très médiocre pour le sérieux, qu'il n'a pu être imité que très imparfaitement par ceux qui ont joué son rôle après sa mort. »
Ses qualités d'acteur ainsi que « son adresse et son esprit » l'avaient tout naturellement porté à la tête de ses camarades et il a laissé le souvenir d'un « grand chef de troupe ». Perfectionniste, il préparait la représentation d'une nouvelle pièce par des répétitions précises et minutieuses, qui pouvaient parfois durer plus de deux mois. Donneau de Visé en donne ce témoignage :
« Il a pris le soin de faire si bien jouer ses compagnons que tous les acteurs qui jouent dans la pièce sont des originaux que les plus habiles maîtres de ce bel art pourront difficilement imiter […] chaque acteur sait combien il doit faire de pas et toutes ses œillades sont comptées. »
Lors de la représentation du Tartuffe en février 1669, Charles Robinet note : « Et les caractères, au reste […] / Sont tous si bien distribués / Et naturellement joués, / Que jamais nulle comédie / Ne fut aussi tant applaudie. »
Comme le souligne René Bray, « [son] autorité n'était point celle d'un tyran, pas même d'un maître : elle était celle d'un camarade estimé, respecté, aimé. » Ses camarades continuèrent à lui faire confiance car il s'était acquis leur loyauté et, même au cours des pires moments qu'elle eut à traverser, « toute la troupe de Monsieur demeura stable ». Il lui fallut aussi arbitrer à plusieurs reprises les rivalités de préséance entre les trois comédiennes vedettes de la troupe : Madeleine Béjart, la plus ancienne, la Du Parc renommée pour sa beauté et la De Brie dont le talent était remarquable.
Excellent improvisateur, il a été jusqu'à l'automne 1664 l'orateur de la troupe, chargé de présenter la pièce avant la représentation pour obtenir l'attention du public tout en vantant l'intérêt ou le mérite des acteurs. Cette tâche, qui exigeait « de l'autorité, du tact et de l'esprit », fut ensuite confiée à La Grange.
Ses amis et connaissances
Molière ne semble pas avoir eu de véritables liens d'amitié avec les comédiens de sa troupe, à l'exception de Baron, et un historien a pu souligner comme « l'un des paradoxes du personnage, modèle de tous les comédiens français, [le fait] que sa vie professionnelle ait été entièrement vouée au théâtre, alors que ses amitiés, ses attachements, ses goûts, ses intérêts intellectuels […] le portaient vers les salons et les compagnies savantes, vers des poètes, des traducteurs, des philosophes, des médecins, des physiciens, des voyageurs ». On relève ainsi, parmi ses fréquentations plus ou moins proches, le poète libertin Chapelle, le philosophe François de La Mothe Le Vayer, précepteur de Monsieur, son fils l'abbé La Mothe Le Vayer, aumônier de Madame et passionné de comédie, et sa nièce Honorée de Bussy. Il fréquentait aussi le médecin et voyageur François Bernier, vulgarisateur de l'œuvre de Gassendi, le mathématicien et physicien Jacques Rohault, le secrétaire d'État Louis-Henri de Loménie de Brienne, les peintres Nicolas et Pierre Mignard, les frères Pierre, Gilles et Nicolas Boileau, l'avocat Bonaventure de Fourcroy, le nouvelliste et dramaturge Jean Donneau de Visé, longtemps son détracteur, ainsi que son médecin Armand-Jean de Mauvillain. Il a également compté parmi ses amis Jean-Baptiste Lully, avec qui il collabora jusqu'en 1672, et un certain M. de Saint-Gilles, intendant de Brienne, qui avait été l'ami de Cyrano de Bergerac et d'Henry Le Bret, dont on sait peu de choses, mais qu'au dire de Boileau, Molière aurait peint dans Le Misanthrope sous le nom de Timante.
Il recevait parfois ses amis dans la maison qu'il louait à Auteuil depuis 1667. Une soirée est restée célèbre sous le nom de « souper d'Auteuil », auquel participaient entre autres Chapelle, Baron, Lully, Alexis de Sainte-Maure, marquis de Jonzac, premier écuyer de Monsieur, et François du Prat, chevalier de Nantouillet.
Molière penseur de la société de son époque ?
La critique est divisée sur la façon de juger Molière. On l'a décrit comme « un bourgeois qui possède un sens aigu du travail et de la responsabilité envers sa troupe », un « provocateur caché » ou un écrivain engagé. À la suite de Henry Becque et Émile Faguet, certains moliéristes, comme Paul Bénichou et René Bray, affirment la primauté chez Molière de l'homme de théâtre et du praticien de la scène sur le penseur et l'homme de lettres, alors que d'autres voient en lui un philosophe et un « metteur en scène de la libre-pensée ». Ses comédies, qui reproduisent la nature en peignant la réalité sociale, contiennent cependant suffisamment d'ambiguïté dans l'exagération même des portraits qu'elles peignent pour se prêter à des lectures contradictoires : « L'universalité de Molière, topos classique s'il en est, réside peut-être là : dans cette pluralité de réceptions possibles d'une œuvre qui pour faire percevoir des principes très réels du fonctionnement social use de situations qui, elles, ne sont aucunement de l'ordre du socialement possible. »
Selon Cyril Chervet, il importe de dépasser les ambiguïtés de la tradition biographique pour se centrer sur les pièces et les textes qui les accompagnent, qui révèlent « une activité créatrice, non seulement consciente de l'ampleur de ses enjeux et de ses moyens, mais explicitement portée par des intentions et des méditations autant esthétiques qu'éthiques. » Sans être « libertin » au sens moderne du mot ni porteur d'un système philosophique précis, Molière apparaît comme un homme qui « s'est affranchi des règles de la société et de la tutelle de l'Eglise » et dont les pièces présentent des échos de disputes philosophiques qui servent « à suggérer, critiquer, sublimer, mettre en rapport, subvertir, etc., des affects, conflits, situations, processus humains ».
À partir de 1658, année où sa troupe est agréée par le frère du roi, « Molière dispose d'une tribune incomparable, d'où il voit tout, d'où il peut presque tout dire ». Loin de s'en tenir à représenter des divertissements anodins, il s'attaque alors à des sujets qui touchent au vif certaines institutions ou pratiques établies. Dès 1659, il propose dans Les Précieuses ridicules une critique du parler précieux dont l'effet est dévastateur sur les tenants de cette mode. Le grammairien Gilles Ménage se souvient de la première représentation de la pièce : « Au sortir de la comédie, prenant M. Chapelain par la main : Monsieur, lui dis-je, nous approuvions vous et moi toutes les sottises qui viennent d'être critiquées si finement, et avec tant de bon sens : mais croyez-moi, […] il nous faudra brûler ce que nous avons adoré, et adorer ce que nous avons brûlé. Cela arriva comme je l'avais prédit, et dès cette première représentation l'on revint du galimatias et du style forcé ».
Avec L'École des maris (1661) et plus encore L'École des femmes (1662), Molière se moque des tyrans domestiques et plaide en faveur de l'éducation des femmes. Il affiche aussi une audace et une maîtrise dans le maniement des sous-entendus qui commencent à inquiéter les milieux dévots.
Allant encore plus loin dans la critique sociale, il dénonce dans Le Tartuffe les escroqueries qui se commettent sous le couvert de la dévotion et revendique le droit pour la comédie de travailler à réformer les mœurs, contestant ainsi la compétence exclusive que l'Église prétendait avoir en ce domaine. Ainsi que l'ont noté des critiques : « La querelle de L'École des femmes, les avatars du Tartuffe et les réactions suscitées par Dom Juan montrent assez le rôle idéologique reconnu à Molière par ceux-là mêmes qui se sentaient attaqués à travers ses œuvres. »
Grâce à la protection du roi, Molière jouissait assurément d'une position sociale relativement enviable ; cela n'empêche, selon Roger Duchêne, que trois de ses comédies : L'École des femmes, Le Festin de Pierre et Le Tartuffe, « remettent en cause les principes de la société : mariage, direction de conscience, mépris aristocratique des lois, c'est-à-dire famille, religion, noblesse ». En faisant de la comédie un lieu de débats de société, il serait ainsi devenu pour les milieux dévots l'adversaire à combattre. À bien des égards, « il a joué un rôle décisif dans l'évolution du caractère français et de la société française. »
L'œuvre
L'œuvre de l'écrivain Molière est indissociable de son métier d'acteur : « Il écrivit pour lui-même une trentaine de rôles, souvent très différents les uns des autres, Sganarelle et Alceste, Jourdain et Scapin, Arnolphe et Sosie, différences qui supposent précisément une extraordinaire plasticité d'acteur. » Au total, il a tenu « vingt-quatre rôles importants dans ses pièces : quinze sont des rôles de bourgeois, sept des rôles de valet, Sganarelle allant de l'un à l'autre type. »
À l'exception de quelques préfaces et poèmes de circonstance, cette œuvre est entièrement dramatique et se compose d'une trentaine de comédies, accompagnées ou non d'entrées de ballet et de musique. Dans ses débuts, au cours de ses treize années de carrière provinciale (voir plus haut), il a composé des farces, dont deux seulement, La Jalousie du Barbouillé et Le Médecin volant, ont été conservées.
Réduire
Contenu soumis à la licence CC-BY-SA 3.0. Source : Article adapté de Molière de Wikipédia en français (auteurs)