Le monument dit « Aux victimes de juin » est un monument aux morts élevé au cimetière du Père-Lachaise par la Ville Paris en 1836. Il commémore les victimes militaires de l'insurrection républicaine à Paris du 5 et 6 juin 1832 et de l'insurrection parisienne des 13 et 14 avril 1834 ainsi que les victimes civiles de la machine infernale de Fieschi du 28 juillet 1835.
Historique
« Aux victimes de juin » serait le premier monument aux morts érigé en France et est assurément le premier du cimetière du Père-Lachaise. Quelques jours après l'insurrection, le conseil municipal de Paris concède une sépulture aux défenseurs de la monarchie de Juillet morts les 5 et 6 juin 1832. Cette délibération du conseil municipal du 11 juin 1832 est approuvée par l'ordonnance royale du 10 juillet. Elle accorde une « concession perpétuelle de places d'honneur pour recevoir les restes des gardes nationaux, gardes municipaux, officiers et soldats de l'armée, et des autres citoyens morts pour la défense du trône constitutionnel, des institutions nationales et de l'ordre public, dans les journées des 5 et 6 du même mois ».
La même chose est réalisée suite aux insurrections des 13 et 14 avril 1834. Le Moniteur universel du 22 avril indique que « le Conseil municipal, dans sa séance d'hier, a décidé sur la proposition de M. le Préfet de la Seine, que des terrains seraient concédés gratuitement et à perpétuité, par la ville de Paris, dans le cimetière du Père-Lachaise, aux victimes du 13 et 14 avril. Ces terrains sont voisins de ceux dans lesquels reposent les citoyens qui ont succombés de même dans les rangs de la garde nationale ou de l'armée, aux journées de juin »,.
Puis y ont été ajoutées les victimes civiles de la machine infernale de Giuseppe Fieschi du 28 juillet 1835. Le 25 août 1835, Rose-Geneviève Alizon et Nicolas-François Leclaire y sont inhumés. Le 28 août, Madame Briosne née Frotignon et Joséphine-Pélagie Langdot y sont inhumées.
La confusion avec les journées de juin 1848 est fréquente. L'erreur se retrouve dans de nombreux ouvrages consacrés au cimetière : Edward Falip (1878), Jules Moiroux (1908), conservateur du cimetière, Michel Dansel (1973), Vincent de Langlade (1988), Marcel Le Clère (1990), Christian Charlet (2003), historien des cimetières parisiens pour la Ville de Paris et Paul Bauer (2015). Quelques ouvrages ne font toutefois pas l'erreur : évidemment Joseph Marty (1838), Barthelémy Prosper (1853), Théophile Astrié (1865), Henry Jouin (1897), Danielle Tartakowsky (1999) ainsi que les guides de voyage consacrés à Paris : Adolphe Joanne (1900), Karl Baedeker (1900). Enfin, plusieurs ouvrages ne mentionnent tout simplement pas cet édifice : Jean-Marie-Vincent Audin (1836), Jean-Pons-Guillaume Viennet (1855), Jacques Hillairet (1958), Jacques Barozzi (1989).
Pour Civardi et France, la postérité quasi nulle de l'édifice relève entre autres de la faible importance historique des événements commémorés, de l'emplacement du monument et de son faible intérêt architectural qui apparu vite comme « le vestige d'une époque révolue et d'une idéologie réprouvée de toute part, puisque les républicains pouvaient lui reprocher son origine politique, les conservateurs son allure laïque et les amateurs d'art son style démodé et sans grâce ».
Danielle Tartakowsky rappelle que durant la Commune, une délégation s'est rendue à l'Hôtel de Ville pour demander la démolition du monument, mais les communards refusent de toucher aux tombes,.
En 1924, le monument est restauré, conformément à une décision du conseil municipal de 1922. Certains éléments brisés de l'ancien monument gisent entre les tombes de la division.
Monument
Le monument est situé en première ligne de la Sixième division du cimetière du Père-Lachaise. L'emplacement est constitué de trois terrains mesurant en tout 196,30 mètres carrés. La date de construction exacte du monument n'est pas connue précisément mais les travaux ne commencèrent pas immédiatement. Le Commissaire de police du quartier de Popincourt signale dans un rapport du 26 avril 1833 l'état d'abandon de l'emplacement concédé aux victimes de juin 1832 et qu'il était prévu d'y élever un modeste monument. Quelques années plus tard, le monument est achevé, comme l'indique le dessin reproduit par Louis-Marie Normand dans un recueil de monuments funéraires publié en 1836,.
Le monument réalisé par l'architecte Étienne-Hippolyte Godde et le sculpteur Jean-Baptiste-Louis Plantar est composé d'un soubassement orné de lances et couronnes de chêne. Les lances divisent les inscriptions disposées en colonnes. Le soubassement est surmonté d'un petit monument dont le fronton est orné d'une couronne. Les faces antérieures et postérieures sont ornées d'un coq, d'une guirlande en chêne et de flambeaux renversés. Les côtés sont décorées d'un papillon entouré d'un serpent se mordant la queue (ouroboros). L'emplacement gazonné est entouré d'une balustrade.
En plus des 62 noms gravés sur ses différentes façades, le monument comporte les inscriptions suivantes :
La façade antérieure comporte la devise de la Garde nationale :
« Liberté, ordre public »
« Aux victimes de juin, la ville de Paris reconnaissante »
Face droite :
« Avril 1834 »
« Juillet 1835 »
La face gauche comportait l'inscription devenue illisble :
« Ce monument, élevé par la ville de Paris, est entretenu par les soins de l'Administration municipale »
Sépulture
Au total, 62 gardes nationaux, gardes municipaux, militaires et civils sont inhumés dans cet enclos funéraire.
Une liste sur trois colonnes figurant sur la face antérieure du monument présente 43 soldats appartenant à l'armée, à la Garde nationale et à la Garde municipale de Paris, infanterie et cavalerie, mortes lors de l'insurrection républicaine des 5 et 6 juin 1832 à Paris.
La face droite présente les noms de 15 gardes nationaux, gardes municipaux et soldats tués lors des émeutes des 13 et 14 avril 1834. Une deuxième colonne présente 4 victimes décédées des suites de leurs blessures reçues lors de l'attentat de Fieschi du 28 juillet 1835.
Façade antérieure
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Aux victimes de juin
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Première colonne
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Deuxième colonne
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Troisième colonne
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Aubert Pierre-Hippolyte
Garde municipal à cheval
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Guenifet Joseph
Carabinier au Douzième léger
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Menard Louis
Soldat au Cinquième lanciers
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Bellier François-Michel
Adjudant-major de la Quatrième légion de la garde nationale de Paris
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Herera Charles
Garde municipal
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Moder Jean
Chasseur au Troisième léger
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Béringer Nicolas
Garde municipal
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Hervet Jean-François
Tambour au
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Mousseau Pierre-Auguste
Soldat au Quarante-deuxième de ligne
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Cartier Jean
Chasseur au Troisième léger
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Kolleter François-Marie
Voltigeur au Sixième de ligne
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Munerel François
Soldat au Vingt-cinquième de ligne
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Chollet Jacques-Louis-Léonard
Chef d'escadron au Sixième dragons
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Ladroix Jean-Baptiste
Garde municipal
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Pargala Jean
Carabinier au Douzième léger
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Cocquelet Charles-Joseph
Garde municipal
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Lavrillière Eugène
Garde municipal
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Pernot François Xavier
Grenadier au Premier de ligne
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Condamine Pierre
Carabinier au Quatorzième léger
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Lefort Émile
Commis-marchand, Grenadier de la Quatrième légion de la garde nationale de Paris
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Prévost Jean-Baptiste Honoré
Capitaine au Quatorzième léger
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Duc Claude
Soldat au Premier de ligne
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Lemoine Louis-Victor
Sergent au Vingt-cinquième de ligne
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Pussier Louis
Soldat au Troisième de ligne
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Fauchier Henri
Voltigeur au Seizième de ligne
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Lhubert Jean-Marie
Carabinier
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Raud Jean
Garde municipal
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Folenfant Joseph
Soldat au
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Lointier Jean-Louis
Sous-officier à la Troisième compagnie des vétérans
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Reybel Mathias
Garde municipal
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Forest Bernard
Soldat au Quatorzième léger
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Morge Dominique
Tourneur en cuivre, Chasseur dans la Sixième légion de la garde nationale de Paris
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Sattlair François-Xavier
Garde municipal
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Gaultier Pierre
Journalier
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Marquez Antoine
Chasseur au Quatorzième léger
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Schmitt Dominique
Garde municipal
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Geoffroy Jean-Julien
Lieutenant de la Deuxième légion de la garde nationale de Paris
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Mathieu Étienne
Vernisseur, Tambour de la Cinquième légion de la garde nationale de Paris
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Sénégon Pierre-Georges
Caporal au Seizième de ligne
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Félix-Marie Gilles
Garde municipal
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Vanherseque Charles-Louis
Voltigeur au Premier de ligne
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Pierre Gravet
Capitaine de la Sixième légion de la garde nationale de Paris, ancien officier de l'armée.
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Weber Claude
Grenadier au Vingt-cinquième de ligne
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Façade droite
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Avril 1834
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Juillet 1835
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Armellini Jean Antoine
Voltigeur au Trente-cinquième de ligne
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Dame Alizon Rose Geneviève
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Bernard Alexis Joseph
Soldat au Huitième de ligne
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Dame Briosne née Frotignon Fébronie Adélaïde
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Blondy Jacques
Voltigeur au Trente-cinquième de ligne
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Leclaire Nicolas François
Ébéniste
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Chenut Jean-Baptiste
Garde municipal
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Dame Edhernez née Langdot Joséphine Pélagie
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De Mia Charles Louis Antoine
Soldat au Trente-deuxième de ligne
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Dupuis Léonard
Garde municipal
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Fayaut François
Soldat au Cinquante-quatrième de ligne
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Gauthiez Jean-Baptiste
Soldat au Huitième de ligne
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Gilbert Antoine Charles Clément
Capitaine au Trente-deuxième de ligne
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Guilliout Pierre Honoré
Voltigeur de la Septième légion de la garde nationale de Paris
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Guitton Louis
Garde municipal
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Journier Charles
Tambour de grenadiers au Septième léger
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Léon Pierre Jean
Soldat au Trente-deuxième de ligne
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Malgornn Yvon
Soldat au Trente-deuxième de ligne
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Rey Paul François Joseph
Capitaine de grenadiers au Trente-troisième de ligne
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