Le mur des Fédérés est une partie de l'enceinte du cimetière du Père-Lachaise, à Paris, devant laquelle 147 fédérés, combattants de la Commune, ont été fusillés par l'armée versaillaise à la fin de la Semaine sanglante, en mai 1871, et jetés dans une fosse commune ouverte au pied du mur. Depuis lors, il symbolise la lutte pour la liberté, la nation et les idéaux des communards.
Le mur est à l'angle sud-est du cimetière.
Histoire
Dernières heures de la Commune
Le nom du mur renvoie aux derniers moments de la Commune de Paris. L'expérience insurrectionnelle ouverte le 18 mars 1871 voit la garde nationale parisienne — les « fédérés » — confrontée à partir du 21 mars à l'avancée de l'armée de Versailles, entamée à l'ouest de la capitale par l'occupation du mont Valérien. L'affrontement, meurtrier, s'achève entre le 21 et le 28 mai, au cours de la Semaine sanglante.
Le samedi 27, seul le quartier de Belleville résiste encore ; les canons communards tirent leurs dernières munitions depuis les hauteurs des Buttes-Chaumont et du Père-Lachaise, où les combats se poursuivent au corps-à-corps jusqu'entre les tombes. Vers la fin de l'après-midi, les versaillais sont maitres du cimetière. Ils fusillent les 147 fédérés survivants le dos au mur d'enceinte et jettent leurs corps dans une fosse commune creusée à son pied. Au cours des heures et des jours qui suivent, des centaines d'autres cadavres, fédérés pris plus loin et fusillés là ou exécutés ailleurs et amenés à pleines charretées, sont enfouis aux côtés des premiers, entassés sur trois rangs de hauteur. Dans les rues avoisinantes, le dernier coup de feu est tiré le dimanche 28 à 14 heures, marquant la défaite de la Commune et le début de la répression officielle.
Selon Karl Marx, la Commune est la seule période de l'histoire française durant laquelle fut — brièvement — réalisée une dictature du prolétariat. En effet, cet épisode révolutionnaire s'est construit sur un soutien fort de la classe ouvrière et, plus largement, d'une importante partie de la population parisienne, qui y a versé son sang. Cette lutte d'importance et la terrible répression qui s'ensuivit (pour la Semaine sanglante, de l'ordre de 6 500 morts dont 1 400 fusillés selon les estimations les plus récentes de Robert Tombs,, 10 000 victimes restant pour Jacques Rougerie une évaluation plus plausible) laissèrent un souvenir vivace. Celui-ci se cristallisa autour du mur des Fédérés, emblème d'une époque d'autant plus insaisissable qu'elle fut brève et laissa peu de monuments.
Symbole de l'émancipation ouvrière
De nombreux événements montrent que le mur des Fédérés fut un lieu de commémoration important, un symbole fort d'émancipation et de liberté dans la mémoire militante :
- Le 23 mai 1880, deux mois avant l'amnistie des communards, se déroule, à l'appel de Jules Guesde, le premier défilé devant le mur : 25 000 personnes, une rose rouge à la boutonnière, bravent ainsi les forces de police. Dès lors, cette « montée au mur » ponctue l'histoire ouvrière, puisque chaque année, depuis 1880, les organisations de gauche organisent une manifestation en ce lieu symbolique, la dernière semaine de mai. Jean Jaurès y va à plusieurs reprises accompagné par Édouard Vaillant, par Jean Allemane et par des milliers de militants socialistes, syndicalistes, communistes ou anarchistes.
- Paul Lafargue, célèbre communard, gendre de Karl Marx, représentant de la France dans la Première internationale et théoricien socialiste, est inhumé en face du mur des Fédérés en 1911, avec son épouse, après leur suicide.
- Une manifestation record s'y déroule le 24 mai 1936 : 600 000 personnes, Léon Blum et Maurice Thorez en tête, au beau milieu du mouvement gréviste, y manifestent quelques semaines seulement après la victoire du Front populaire,.
Tous les ans, le Premier mai, jour de la Journée internationale des travailleurs, le Grand Orient de France accompagné de nombreuses obédiences maçonniques, des représentants de la libre-pensée, ainsi que le Parti communiste français et des organisations syndicales, rendent hommage aux victimes de la Commune et à celles du nazisme en se rendant au mur des Fédérés.
Jules Jouy a chanté le mur et les fusillés en 1887 sous les titres Le Tombeau des fusillés et Le Mur.
Monuments
Avec d'autres éléments du Père-Lachaise, le mur des Fédérés a été classé monument historique par arrêté du 14 novembre 1983. Situé dans la division 76 du cimetière, il porte une plaque de marbre gravée de l'inscription :
« AUX MORTS DE LA COMMUNE 21-28 Mai 1871 »
En face, se trouvent les tombes de plusieurs personnalités communardes, telles que Jean-Baptiste Clément ou Paul Lafargue et Laura Marx.
Matériellement, l'édifice n'est pas celui contre lequel les fédérés ont été fusillés : abimé, le mur a été reconstruit en même temps que l'ensemble de l'enceinte. Des pierres du bâti d'origine ont été réemployées à la construction d'un monument intitulé Aux victimes des révolutions : cette œuvre, sculptée en 1909 par Paul Moreau-Vauthier, se trouve de l'autre côté du cimetière, adossée à la paroi extérieure de l'enceinte nord, dans le square Samuel-de-Champlain.