Saint-Martin-de-Lansuscle est une commune française, située dans le sud-est du département de la Lozère en région Occitanie.
Exposée à un climat méditerranéen, elle est drainée par le Gard et par divers autres petits cours d'eau. Incluse dans les Cévennes, la commune possède un patrimoine naturel remarquable : trois sites Natura 2000 (les « vallées du Tarn, du Tarnon et de la Mimente », la « vallée du Gardon de Mialet » et « les Cévennes ») et trois zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique.
Saint-Martin-de-Lansuscle est une commune rurale qui compte 191 habitants en 2019, après avoir connu un pic de population de 718 habitants en 1821. Ses habitants sont appelés les Lansusclais ou Lansusclaises.
Son territoire, qui est pour partie intégré dans la zone cœur du parc national des Cévennes et pour l'essentiel dans sa zone périphérique, se trouve au cœur des Cévennes historiques : on y retrouve tous les éléments cévenols les plus caractéristiques. Ainsi Saint-Martin-de-Lansuscle est une zone de culture protestante où s'est déroulée la révolte des Camisards, sur une terre schisteuse où coule l'un des Gardons, où se cultivaient châtaigniers et s'élevaient les vers à soie, où l'on produit toujours des pélardons et le sanglier et dont les maisons possèdent des toits de Lauzes et des murs de schistes.
Histoire
Préhistoire
Les premières traces des hommes découvertes dans la vallée remontent au 3ᵉ millénaire millénaire avant Jésus-Christ : des pasteurs nomades, appartenant à la civilisation des mégalithes, passaient sur les crêtes. Ils sont à l'origine de drailles. Ils y ont laissé des menhirs tels celui du Plan de Fontmort ou celui du col de la Pierre Plantée, des dolmens ainsi que des roches à cupules. Ces traces sont, dans l'imaginaire cévenol, liées à la légende de la Vieille Morte.
Antiquité
Pendant la période gauloise, cette zone appartenait au territoire des Gabales. Sur les flancs du Mont-Mars, au lieu-dit Saint-Clément, sur le chemin menant du Plan de Fontmort au col de la Pierre Plantée se trouvait une villa gallo-romaine relativement importante (suffisamment pour posséder un hypocauste) dirigeant un domaine au cours du Deuxième et 3ᵉ siècle de notre ère. Les fouilles qui y été menées par M. Numa Bastide ont mis au jour de nombreux objets en céramique ou en fer, des pièces de monnaie ainsi que les traces de bâtiments d'habitation et agricoles.
Moyen Âge
Au 6ᵉ siècle, le village et la vallée se seraient trouvés dans une enclave franque entourée par des terres wisigothes. Une autre version de la légende relate également une bataille qui aurait opposé en 737, ou en 778, Francs et Sarrasins à la Boissonnade, sur la commune voisine de Moissac-Vallée-Française. Elle y lie la construction de l'église de Notre-Dame-de-Valfrancesque, bâtiment du Huitième et 9ᵉ siècle ce qui en fait le plus ancien des Cévennes et du Gévaudan.
Sous l'influence des moines bénédictins, la culture du châtaignier puis celle du mûrier pour les vers à soie se développèrent au point de devenir les éléments centraux de son économie.
Comme l'ensemble des Cévennes, le village souffrit beaucoup pendant les crises du 14ᵉ siècle (guerre de Cent Ans, peste noire, etc.). Les friches gagnèrent du terrain au profit de la faune sauvage.
Aux siècles suivants, avec l'augmentation de la population, pour gagner des surfaces cultivables, la culture en terrasses s'étendit, grimpant de plus en plus haut sur les collines et donnant aux montagnes cévenoles leur aspect particulier.
Époque moderne
Comme toutes les Cévennes, Saint-Martin accueillit favorablement la Réforme et une majeure partie de la population se convertit au protestantisme tout en restant fidèle au roi.
Sous le règne de Louis XIV, en 1685, comme toutes les localités protestantes, Saint-Martin fut victime de dragonnades. Les membres de la religion réformée furent alors contraints d'héberger à leur frais des soldats, les dragons, qui avaient carte blanche, sauf le droit de tuer, pour les « convertir ». Sous la pression de ces exactions, ils se convertirent en masse et devinrent des NC, pour Nouveaux Convertis. Certains récalcitrants s'enfuirent rejoignant l'émigration huguenote vers la Suisse, l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Afrique du Sud...
La répression contre les protestants s'accentua avec la révocation de l'édit de Nantes le 18 octobre 1685.
D'une certaine façon, la Révolte des Camisards (1702-1704) débuta à Saint-Martin : le rassemblement du premier groupe de camisards, celui qui partit au Pont-de-Montvert délivrer les prisonniers de l'abbé du Chayla, se fit au Plan de Fontmort. Pendant cette guerre du roi contre sa population, le village situé au cœur de la zone rebelle, n'échappa pas aux troubles : assemblées secrètes au « Désert », « levées d'impôt » des camisards, représailles, meurtres, incendies .. Le plan de Fontmort fut le lieu de plusieurs escarmouches. Lors du « bruslêment des Cévennes », où l'armée royale employa la tactique de la terre brûlée destinée à empêcher tout soutien matériel à la guérilla, le bourg fut détruit ainsi que les maisons des Nouveaux Convertis (NC) situées dans les hameaux isolés.
L'hiver très rigoureux de 1709 provoqua le gel de nombreux châtaigniers, principale ressource locale en nourriture. Aussi une famine s'ensuivit. Cela favorisa la plantation massive de mûrier pour les vers à soie. L'économie locale quitta alors de plus en plus le stade de l'autosubsistance pour intégrer l'économie de marché.
La Révolution et le 19ᵉ siècle
Le village accueillit très favorablement la Révolution synonyme de liberté de culte et d'égalité civile.
L'incendie du palais épiscopal de Mende en 1887, qui regroupait les archives départementales de la Lozère, fait qu'il n'y a guère de traces de conséquences locales des multiples soubresauts politiques de la France du 19ᵉ siècle.
Le milieu du 19ᵉ siècle est appelé « l'âge d'or des Cévennes », la commune y connut son maximum démographique 718 habitants en 1821. Le développement de l'industrie de la soie apporta une certaine prospérité. Mais les maladies atteignant les vers à soie (la flacherie et la pébrine) puis la vigne (phylloxéra) ainsi que la dureté des conditions de vie contribuèrent à un fort exode rural dès les années 1870. À la fin du XIXe siècle, la construction de véritables routes désenclavant le village améliora les débouchés des productions traditionnelles mais favorisa le départ des jeunes, d'abord de façon temporaire pour des travaux saisonniers dans la plaine, puis définitivement.
20ᵉ siècle
La Première Guerre mondiale marqua un tournant définitif dans la vie du village, accentuant l'exode rural et bouleversant l'équilibre économique local. Pendant quatre ans, l'absence de la plupart des hommes valides augmenta les difficultés économiques des familles. Un cinquième des mobilisés, y périrent sans compter les blessés et les mutilés.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux persécutés de toute nature se réfugièrent dans les Cévennes. Plusieurs maquis, dont un maquis antifasciste allemand, furent créés dans la Vallée Française (Serre, la Picharlerie). Ils furent attaqués et dispersés entre le 7 et le 13 avril 1944. Le plan de Fontmort fut alors comme pendant la guerre des camisards le lieu d'une embuscade.
Repaire de résistants en 1943 et 1944, la Picharlerie a ensuite été abandonnée puis réinvestie en 2002 par un collectif lui donnant une nouvelle vocation nourricière. Le mercredi 11 juillet 2007, la Picharlerie a été expulsée par la Gendarmerie nationale et totalement rasée. La préfecture et le pasteur Freddy Michel Dhombres, propriétaire en titre du hameau, l'ont fait rayer des cartes.
Dans « La Picharlerie. Un carrefour mouvementé des résistances », Patrimoine 30, numéro 19, Jacques Poujol, un ancien résistant, il affirme avoir « vécu comme un cauchemar la nouvelle du passage du bulldozer à la Picharlerie [qui] illustre par excellence, non pas la Résistance en général, abstraite et inhumaine, mais les résistances au pluriel ».
Toponymie
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La Vallée Française
Les deux principales hypothèses sur l'origine du nom de la vallée sont soit qu'elle était une enclave franque en territoire wisigoth ; soit qu'elle aurait été appelée ainsi à l'issue de la légendaire bataille de la Boissonnade. Vallis Franscisca et Val franciscus signifiant vraisemblablement vallée franque ou francesque.
L'hypothèse que cela signifierait que c'était une vallée « franche », c'est-à-dire exemptée d'impôts est peu probable.
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La légende de la Vieille Morte,,
Il s'agit d'une célèbre légende du cœur des Cévennes que forment la Vallée Borgne, la Vallée Française et la Vallée Longue, à laquelle sont liés plusieurs lieux :
En des temps immémoriaux, une fée résidait au sommet du Mont Mars. Cette fée n'était pas d'humeurs commodes, ce qui n'en faisait pas une « bonne fée » bien au contraire.
En dépit de son âge avancé, une veuve des environs de Saint-Germain-de-Calberte, avait fauté et donné naissance à un enfant. Pour la punir, la fée la condamna à arracher une énorme pierre des flancs du Mont des Laupies (grosses pierres plates en occitan) et la chassa du pays avec son enfant, son chien, son âne et surtout sa pierre.
Ainsi chargée la vieille s'en alla, mais son enfant, trop fragile pour supporter le voyage, mourut rapidement au col qui est depuis appelé Plan-de-Fontmort (le plan de l'enfant mort). Le chien, lui, tomba dans un trou au lieu-dit Cros del chi (la tombe du chien).
La pluie se mit à tomber violemment comme elle tombe parfois lors d'un orage cévenol, la vieille s'abrita un moment sous une avancée de la roche au lieu-dit Escota se plou (écoute s'il pleut). Devant continuer sa route coûte que coûte, la pauvre femme s'engagea dans la vallée où coule un affluent du Gardon de Saint-Germain. Arrivée en bas du village, il lui fallut franchir la rivière (toujours en portant son énorme pierre) bien qu'elle fût en crue à cause de l'orage ; l'âne trébucha et se noya d'où le nom de Négase (noie âne) donné à ce gué.
Épuisée, la vieille s'assoupit un moment sur une crête nommée depuis Mortdesom (mort de sommeil), puis tenta de continuer. Poursuivie par la méchante fée, elle reprit péniblement son chemin, portant toujours son fardeau de pierre. La vieille commença l'ascension de la montagne mais avant d'arriver au sommet, éreintée, ne parvenant plus à porter son fardeau, elle abandonna ce qui devint « la Pierre de la Vieille ». Terrorisée (l'orage continuait et la fée se rapprochait) et accablée du chagrin d'avoir perdu son enfant, elle se mit à pleurer créant le valat de las Gotas (le ruisseau des gouttes). Malgré tout, la vieille parvint enfin au sommet de la montagne mais la fée l'y rattrapa et la tua pour avoir perdu la pierre. En souvenir de cette malheureuse, la montagne est appelée la « Vieille Morte ».
Culture locale et patrimoine
Lieux et monuments
- Le plan de Fontmort : en ce lieu, symbole de la révolte des camisards, se dresse un stèle commémorative.
- Notre-Dame-de-Valfrancesque : l'église Notre-Dame-de-Valfrancesque, sur la commune voisine de Moissac-Vallée-Française, est la plus ancienne du diocèse encore debout. Elle est intimement liée à la Vallée-Française, et donc à Saint-Martin. Elle est mentionnée dès 935, lorsque le pape Jean VI la donne à l'évêque de Nîmes. Cependant, elle n'est consacrée qu'en 1063. La tradition, elle, fait remonter sa construction à la bataille qui se serait déroulée à la Boissonnade entre les Francs et les Sarrasins au 8ᵉ siècle.
Elle a été construite en fraidonite, une sorte de granit. Elle mesure 23 mètre par 6 mètre, et est bâtie dans le style roman. En 1702 elle a été brûlée par les Camisards, et a été dévastée en 1793. À chaque fois elle a été restaurée. C'est aujourd'hui un temple protestant.
- Le temple : le temple protestant a été construit en 1827.
- Châteaux et maisons fortes : le château du Cauvel date du 14ᵉ siècle. la tour de Fontanilles date du 12ᵉ siècle
- Sites mégalithiques : plusieurs menhirs sont visibles sur le territoire de la commune : au Plan de Fontmort, au col de la pierre plantée...
- L'établissement gallo-romain de Saint-Martin-de-Lansuscle.