Saint-Moré est une commune française située dans le département de l'Yonne, en région Bourgogne-Franche-Comté.
Elle est connue en particulier pour ses grottes (préhistoire) et le camp antique de Cora-Villaucerre (histoire gauloise et gallo-romaine).
Histoire
Préhistoire et proto-histoire
L'occupation du lieu remonte loin dans le temps. La commune comporte 21 grottes principales dont dix ont livré des vestiges de l'homme.
Les grottes de Saint-Moré, qui rassemblent 15 grottes principales, ont été occupées il y a 200 000 ans. Les ouvertures des grottes sont orientées vers le sud. Elles ont été creusées par la rivière qui a également entaillé le calcaire corallien du sous-sol géologique, formant ainsi de véritables falaises par endroits. 1 500 mètres en aval, en rive gauche, se trouvent les grottes d'Arcy-sur-Cure, en position similaire (calcaire corallien, falaises, côté concave de méandre),.
Sur la commune, le Moustérien est représenté à la grotte du Mammouth (Côte de Char) et la grotte du Crot-Canat qui a livré des fossiles de cette époque et qui a à son entrée deux crânes posés sur dalle et entourés de pierres debout.
L'abbé Parat signale que les grottes de la Roche Moricard, de la Roche Percée et d'autres grottes ont livré des poteries et des fusaïoles, mais ne précise pas les périodes d'origine autrement que par le titre d'« époque préhistorique », qui inclut toute chose avant son « époque gauloise ». Il précise seulement que « d'autres (grottes) seraient de l'époque du Bronze ». De fait, l'âge du bronze est bien représenté aux grottes de la Côte de Chair, notamment le Bronze moyen et le bronze final,.
Au lieu-dit Beugnon, à 2,5 kilomètre à l'est de Saint-Moré, a été trouvé en 1875 un assortiment composé d'une vingtaine de haches avec ou sans douille, de pointes de lances, de couteaux, de rondelles avec anneau, de faucilles, et notamment de lingots de bronze ronds massifs destinés à la fonte.
La Côte de Chair est surmontée des vestiges d'un camp antique du nom éponyme de « camp de la Côte de Chair » (ne pas confondre avec le camp antique de Cora au sud de Saint-Moré). Ces vestiges incluent une enceinte semi-circulaire de murs de 400 mètre de long, avec 2 mètre de hauteur de mur ou 3 mètre de largeur d'éboulis. Une autre enceinte de 200 mètre en quart de cercle commence à l'extrémité haute de la première et s'en écarte. Des poteries y ont été trouvées.
À 1,1 kilomètre au sud du village, dominant Saint-Moré depuis une butte qui atteint 237 mètre d'altitude, le camp antique de Cora a d'abord été un petit stationnement néolithique puis un gros stationnement de l'âge du bronze - bien avant d'être le camp gallo-romain pour lequel il est connu. Il a aussi livré des monnaies des Éduens et des Lingons.
Époque gallo-romaine
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Le camp de Cora
À Cora, un camp romain se superpose au camp préhistorique. Des remparts sont construits en pierre du pays sur le retranchement, avec 185 mètre de longueur pour le mur de façade (2,70 mètre d'épaisseur, 3,30 mètre de hauteur) et six tours pleines semi-circulaires qui servent aussi de contreforts.
Le site de Cora est mentionné dans la Notice des Dignités de l'Empire, où l'on apprend que le lieu serait défendu par un détachement de Sarmates. La liste des paroisses du règlement d'Aunaire au 6ᵉ siècle donne Coræ-vicus. Et Ammien Marcelin (11ᵉ s.) le mentionne également.
Le Coræ vicus de l'époque est constitué d'un groupement de villas. Plusieurs endroits ont livré fondations, tuiles et poteries. Et surtout, l'endroit possède un pont, rare à l'époque.
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Naissance de Saint-Moré
Une étude de l'INRAP en 2010 date les plus anciens vestiges d'habitations du village aux années 20‑30 apr. J.‑C., c'est-à-dire une cinquantaine d'années après la construction de la via publica qui relie Autun et Auxerre, tronçon local de la Via Agrippa de l'Océan. Ces constructions, en bois et autres matériaux périssables, sont des forges ; elles fonctionnent jusqu'au remodelage complet du village à la période flavienne (de 69 à 96). La plupart des constructions deviennent alors des lieux d'habitation ou de commerce dont l'essentiel vise les services aux voyageurs, en particulier l'hôtellerie, sur cette voie de communication majeure. L'une de ces maisons, au coin de la rue de la Cure et de la rue de la Croix, a été l'objet de prospections magnétiques par M. Roche en 2011.
D'autres vestiges archéologiques ont été retrouvés au 19ᵉ dans la plaine : un fer de lance, des pierres gravées, des médailles, des statuettes en bronze (Minerve et Vénus) et de très nombreux sarcophages.
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La « villa Cérès », une halte routière
En 1807 le colonel Lefebvre-Nailly fait faire dans le parc de son château des fouilles qui révèlent sur le bord Est de la voie romaine une villa, mesurant 73 × 47 mètre,,. Le corps de logis, orienté vers la Cure, mesure 26 × 16 mètre selon Parat ou 24 × 16 mètre selon les plus récentes mesures. Les murs épais de 60 centimètre sont faits de calcaire du pays. Il comprend sept salles dont deux en hémicycle, et des dépendances bordent la voie.
Des objets y sont découverts, entre autres une statue de Cérès de l'époque de la décadence de l'empire romain, de facture médiocre - cette statue était en 1921 au musée de l'Avallonnais, avec une copie au musée d'Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye,. La villa est subséquemment surnommée « villa de Cérès ».
En 1852, une nouvelle campagne de fouilles archéologiques révèle des pierres sculptées et les fondations d'un mur dans le clos du château.
L'endroit est fouillé de nouveau dans les années 1860 par E. Paillier.
De nouvelles fouilles archéologiques dirigées par l'abbé Parat vers 1896 explorent le côté ouest de la voie, vers la rivière ; d'autres fouillent vers l'église, et des sondages sont réalisés entre ces deux endroits : « partout des substructions, des tuiles à rebords, de la poterie à vernis rouge dite samienne ». Les constructions gallo-romaines recouvraient environ 250 × 150 mètre, de la rivière à la place de l'église, sur les deux côtés de la voie. Ces fouilles permettent aussi le tracé de la villa Cérès.
Les fouilles de l'INRAP en 2010 sont complétées en 2011 par M. Roche avec des prospections magnétiques sur la villa,. Le plan général est celui d'un bâtiment (24 × 16 mètre) autour d'une cour donnant sur la rue. La cour est entourée des salles mentionnées plus haut, des thermes sont placés un peu excentrés. Ce plan général ne correspond pas au plan-type d'une villa comme ici en environnement bâti, mais à une halte routière probablement réservée à une clientèle aisée, notamment les hauts fonctionnaires passant sur la voie qui draine entre autres destinations tout le trafic vers la Grande-Bretagne.
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Les villae
Une petite villa se trouvait au lieu-dit des Renaudons (à 2 kilomètre de la voie antique, sur la route entre Arcy et le hameau de Lac-Sauvin) ; des fouilles y ont mis au jour un petit autel domestique, des tuiles et une colonne carrée à base élargie, moulurée, au sommet creux avec rebords (cette colonne se trouvait en 1919 au musée d'Arcy).
Quatre autres sites de villae sont connus : les Coulanges, occupé jusqu'au haut Moyen Âge ; Gaudrée (en rive gauche en face des grottes de Saint-Moré), densément occupée au 4ᵉ siècle et durant le haut Moyen Âge, vestiges en partie détruits lors de la construction du chemin de fer ; Sous les Roches, au pied des grottes ; le Champ de la Cour, occupé depuis le 1ᵉʳ siècle avant Jésus-Christ.
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Aqueduc
Un petit aqueduc amenait l'eau de la source dite « fontaine de Saint-Moré » sur environ 600 mètre de long, depuis la côte de Saint-Moré (en rive gauche au nord de la commune) jusqu'à la villa de Gaudrée. Cette source se trouve sur le chemin qui prolonge la route d'accès à la station de pompage en rive gauche en aval de Saint-Moré - bien qu'en 1876 elle était dite « détruite » ; le même texte la qualifie de « miraculeuse ».
L'aqueduc a été (re-)découvert en 1872 ou 1873. Une petite monnaie des Ségusiens a été trouvée à proximité.
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Les grottes de Saint-Moré
Les grottes sont occupées de façon ponctuelle aux 4ᵉ et 5ᵉ siècles mais P. Nouvel ne les considère pas comme « des occupations pérennes à part entière ». La grotte de Nermont livre des monnaies du Bas-Empire, la grotte de la Cabane une poterie et des monnaies de Constance. Une pierre fine est trouvée en plein champ, gravée en intaille et représentant une tête de soldat casqué.
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Poste-frontière au 4ᵉ siècle
Avec le détachement d'Auxerre (érection en cité autonome) et d'Autun au 4ᵉ siècle, Saint-Moré change de statut et devient un poste-frontière : la limite entre les deux territoires passe au gué du Vau de Bouche,.
Antiquité tardive
Des sarcophages et des bijoux mérovingiens (Antiquité tardive) sont mis au jour dans le cimetière bordant l'église à l'époque des fouilles Parat. Ils sont accompagnés de plaques de ceinturon en bronze et de perles de verre et de faux ambre qui ont été dirigées sur le musée de l'Avallonnais.
Entre la villa Cérès et le cimetière de l'église se trouvait une rangée de sarcophages orientés à l'est ; l'un d'eux contenait un scramasaxe.
Encore d'autres sarcophages ont été trouvés sous la maison en face de l'église, avec un fer de lance.
Un sarcophage à Cora était accompagné d'une petite monnaie d'argent du 8ᵉ siècle portant des dessins géométriques.
Dans le cimetière en rive droite de la Cure à l'est de Nailly, d'autres sarcophages ont été dévoilés ; ils étaient pillés, sans mobilier.
Moyen Âge
En 596 le règlement de saint Aunaire, Dix-huitième évêque d'Auxerre (572-605), inclut Coraevicus dans les trente principales paroisses du diocèse.
En 1084, Yvon d'Avallon donne à l'abbaye de Molesme l'« église de Saint Moré ». Selon Héric (9ᵉ s.), Moderatus était un enfant martyr du 5ᵉ ; sa dépouille a été transférée à Auxerre et placé en 850 dans la crypte de l'abbaye Saint-Germain. Par une charte à la suite de la précédente, Eldred de Vézelay et Thibaut Resbet, sa femme et sa sœur, donnent à Molesmes la chapelle de Nailly (de Nalleiaco), située en bas du cimetière à sarcophages, et tout le manoir avec la moitié de la dîme. Au 19ᵉ siècle cette chapelle est toujours debout : c'est une maison d'habitation avec des fenêtres romaines.
À la Côte de la Dame au pied de Cora, dans les champs anciennement dits Delacour, sont les ruines d'une habitation en pierres de taille. On y a trouvé des monnaies à fleur de lys. Ce pourrait être la maison de l'écuyer Odenin cité au 13ᵉ siècle.
Le château est cité en 1463 (le château actuel est du 16ᵉ siècle). L'église date de la fin du Moyen Âge : 16ᵉ siècle.
Époque moderne
L'abbé Parat signale une « chambre des Dîmes à encadrement mouluré, peut-être du 17ᵉ siècle », et quatre croix de chemin « plus ou moins récentes ».
En 1765, le village compte 150 habitants. À Lac-Sauvin se trouve une ancienne maison seigneuriale de 1774.
Au cours de la Révolution française, la commune est provisoirement renommée Moré-sur-Cure.
Au tournant du 20ᵉ siècle une carrière de sable de granit est en exploitation sur le Val aux Moines (une butte à 500 mètre au nord-est du bourg).
En 1922, d'après abbé Parat, la commune compte 225 habitants.
Patrimoine naturel répertorié
- La commune inclut trois zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) :
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la ZNIEFF continentale de type 1 du « Vallon du Vau-de-Bouche et vallée de Vouillot », soit 966,61 hectares, concerne 6 communes dont Saint-Moré et vise les bois de la vallée du Vau-de-Bouche, commençant à un peu plus de 1 kilomètre en aval de Lucy-des-Bois et se terminant à la confluence du ruisseau avec la Cure ;
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la ZNIEFF continentale de type 1 des « Falaises d'Arcy-sur-Cure et de Saint-Moré, boucle de la Cure », soit 581,2 hectares, concerne Arcy-sur-Cure et Saint-Moré et vise, comme le nom l'indique, les falaises – depuis l'entrée de la Cure sur la commune de Saint-Moré jusqu'au village d'Arcy-sur-Cure ;
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la ZNIEFF continentale de type 2 de la « Vallée de la Cure du réservoir du Crescent à Vermenton » concerne 25 communes dont Saint-Moré et vise 12 888,86 hectares le long de cette vallée.
- Un Conservatoire d'espaces naturels a acquis deux espaces naturels :
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Les Îles, 4,34 ha répartis du pont au village jusqu'au Vieux Moulin. C'est un creux de vallée où la Cure se divise en plusieurs bras ;
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Côte de l'étang, 4,93 hectare essentiellement sur Voutenay avec un peu moins de 1 hectare sur Saint-Moré au sud de la commune.
- La commune est incluse dans la zone spéciale de conservation (ZSC) des « Pelouses et forêts calcicoles des coteaux de la Cure et de l'Yonne en amont de Vincelles », un site d'importance communautaire (SIC) selon la directive habitats, de 1 565 hectares qui concerne 14 communes dont Saint-Moré. Cinq espèces de la liste II y sont présentes : le cuivré des marais (Lycaena dispar, un papillon), et quatre espèces de chauve-souris : le petit rhinolophe (Rhinolophus hipposideros), le grand rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum), le murin à oreilles échancrées (Myotis emarginatus) et le grand murin (Myotis myotis).
Lieux et monuments
- Grottes de Saint-Moré
- Camp antique de Cora Classé MH (1971)
- Carrière de sarcophages mérovingiens de la Roche Taillée : en rive gauche au nord de la commune, elle est partagée avec Arcy.
- Fontaine Saint-Moré : longtemps considérée sacrée, elle a attiré en son temps de nombreuses processions, pèlerins et supplicants. Son eau se déverse dans un sarcophage réutilisé à cette fin.
- Église Saint-Moré (16ᵉ siècle)
- Château du Cro (rem. 17ᵉ siècle)
- Le gros chêne de Saint-Moré
- Pont vers Nailly sur la Cure (18ᵉ siècle)
- Croix (19ᵉ siècle)
- Mairie (19ᵉ siècle)
- Vierge de la Roche Godin (Nailly)
- Monument aux morts (20ᵉ siècle)
- La via Agrippa de l'Océan traverse la Cure à Saint-Moré au gué Noère. Enfouies presque aussi profondément que la voie de chaque côté de cette voie dans le village et ses alentours se trouvent de nombreuses tombes,.
Trois sentiers de découverte sont équipés de panneaux informatifs. Ils font le tour des principaux points d'intérêt,.
Le sentier de grande randonnée GR 13 Fontainebleau – Bourbon-Lancy passe par le village (section de Saint-Maurice-sur-Aveyron - Loiret, à Saint-Père - Yonne), ainsi que le GR 654 (section de Irancy - Yonne, à La Charité-sur-Loire - Nièvre) et le GR de Pays Tour de l'Avallonais.